[Film – Critique] Moonrise Kingdom de Wes Anderson

[fblike]

Sur le ton du conte pour enfant à morale humaniste, Wes Anderson signe un septième long métrage aux tonalités sépia, nostalgiques, relatant les aventures de Sam (Jared Gilman) et Suzy (Kara Hayward), deux adolescents en proie à des difficultés relationnelles. Sur une île de la Nouvelle-Angleterre, le jeune scout et la férue de livres vont s’échapper pour vivre une romance innocente, alors que que le reste de l’île, incarné par une pléiade de personnages loufoques et atypiques, est à leur recherche.

Moonrise Kingdom est présenté au Festival de Cannes 2012, en compétition, où il est présenté en ouverture. Le style de Wes Anderson séduit… ou laisse de marbre…

[col2]

L’avis de Rick

A travers le récit nostalgique des aventures de deux pré-adolescents (des épisodes violents sans aucune velléité de méchanceté chez ces protagonistes innocents), c’est tout le paradoxe de cet âge que dessine avec bienveillance  Wes Anderson dans Moonrise Kingdom. Hélas, usant et abusant d’un style trop ampoulé, Anderson manque la fable sensible qu’on espérait.

Le jeune réalisateur américain, déjà culte (ses précédents longs métrages, tels que La famille Tenenbaum -2001-, La vie aquatique2004-, A bord du Darjeeling Limited -2007-, Fantastic Mr.Fox -2010-, font l’objet d’une admiration entière) a su construire, au fil de sa filmographie, un lien ténu avec le spectateur, fidèle. Au fur et à mesure de ses réalisations, W. Anderson a su développer cet état d’esprit et cette ambiance qui caractérisent son cinéma : une identité visuelle et surtout narrative qu’il pose désormais en système. Ce système Anderson, c’est cet humour (à mi-chemin entre humour british, humour noir et humour de l’absurde) que le metteur en scène saupoudre ça et là dans une narration d’apparence décousue, qu’il s’attache sans cesse à éloigner d’un réalisme net. Balançant entre parabole et rêveries, ses longs métrages provoquent cet état instable (que d’aucun trouvent délicieux) qui mêle nostalgie et rires fins. On crie ici au génie poétique, ou on regrette là un univers surfait.

Moonrise Kingdom ne fait pas exception. Au contraire, son 7ème film applique ce “système” sans détour : filtre omniprésent, couleurs saturées, musique lyrique ou nostalgique (Benjamin Britten, Françoise Hardy…) , plongeon dans les 60’s (qui ici, épurées de toute scorie sociale, idéologique et urbaine, paraissent idylliques). Tout confère à gonfler le souffle spleenétique du spectateur. Nul doute qu’un “soupir” béat et réjoui accompagnera la plupart de ceux qui sortiront de la salle

En somme, la systématisation des effets et le maniérisme méthodique de Wes Anderson apparaissent comme un cinéma de “trucs”, de codes. Un cinéma branché qui manque cruellement de sincérité.

L’aventure de ces pré-adolescents, tous deux en proie aux divers tourments que chacun peut connaître à cet âge (rejet du groupe, conflit familial, questionnement identitaire…) et confrontés aux premiers émois, s’adresse mollement à une certaine catégorie de spectateurs seulement ( “The Whitest movie ever made” selon Bret Easton Ellis). En substance, on comprend l’ambivalence de l’âge ingrat, celui où une violence pulsionnelle s’exprime alors que les cœurs pensent amour et  liberté…

La pléiade d’acteurs (Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray, Frances McDormand, Tilda Swinton, Harvey Keitel etc…), en perpétuelle auto-dérision (le genre de performance facilement louée…) composent un groupe qui se veut atypique, attachant, hors norme mais aux valeurs dignes et humanistes, à l’image de ce que Wes Anderson filme depuis ses débuts… Ce groupe, à la frontière de la famille, qu’il s’entête à définir, à aimer, à en dessiner les contours… Ce Moornrise Kingdom est comme ses précédents films : mêmes thèmes, mêmes méthodes. Il n’est pas déplaisant mais manque assez cruellement d’un souffle nouveau, impression qu’aggrave l’exagération du style, comme si Anderson avait choisi de masquer la limite de son talent en développant une nomenclature andersonienne. A l’instar des Burton, des Tarantino, des Fincher, Wes Anderson réussira-t-il à sortir du style très “remarquable” mais très fermé dans lequel il s’est lui-même enfermé ?

[/col2]

[col2]

L’avis de Pick

Avec Moonrise Kingdom, Wes Anderson ajoute un brique poétique supplémentaire à son univers d'”adulescent” nostalgique drôle et décalé qu’il avait commencé à bâtir dès son premier long-métrage Rushmore en 1998. Si cette nouvelle brique ne renouvelle pas vraiment le style Wes Anderson, elle est truffée de tous les ingrédients qu’on aime chez le réalisateur américain (humour, poésie, Bill Murray…) pour en faire l’un des films les plus accessibles de sa filmographie.

Ne serait-ce que pour la scène d’introduction le film vaut d’être vu. Moonrise Kingdom s’ouvre sur un faux plan-séquence virtuose où la caméra arpente les couloirs de la maison des Bishop enchainant des panoramiques à 90° et des travelings afin de présenter tour à tour, et tout autour, les pièces de la demeure. Chaque plan devient alors un tableau qui présente les membres de la famille dans un décor surchargé d’objets sur fond de papiers-peint rétro qui n’est pas sans rappeler la décoration de La famille Tenenbaum que Wes Anderson avait réalisé en 2001. Ici, la caméra magique du réalisateur traverse les murs et les étages et présente l’édifice en vue de coupe telle une maison de poupée grandeur nature.

Anderson joue la carte de la nostalgie, de la poésie et de l’humour pour mettre en scène une histoire d’amour entre deux enfants en cavale, fuyant le monde des adultes. La petite île du Maine où se déroule l’action devient alors un grand terrain pour ces enfants  qui restent naïfs mais dont les dialogues et les actions (le mariage, la scène de bagarre, etc.) semblent être écrites pour des adultes. C’est en fait une retranscription parfaite d’un âge où l’on se retrouve entre deux étapes de la vie, un âge où l’on croit être adulte sans l’être encore, celui aussi du premier amour. Cet effet de comportement d’adulte mêlé à l’innocence contribue en grande partie à l’humour poétique du film.

De la même manière que les enfants sont montrés comme des adultes, il sera intéressant de noter de quelle manière ce film, dont le thème principal porte sur cet état entre deux âges (celui des grands et celui des petits), se joue sans cesse des rapports de taille : la maison des adultes filmée comme une maison de poupée étouffante, tandis que la minuscule île semble s’étendre comme un immense terrain de liberté pour les enfants.

Avec une galerie de personnages adultes décalés, touchants et drôles à la fois, Moonrise Kingdom confirme le penchant que Wes Anderson peut avoir pour les portraits hors-normes. On retrouve en tête de file avec un immense plaisir l’excellent Bill Murray (très présent dans la filmographie du réalisateur) qui parvient avec toujours autant de justesse à interpréter un père de famille atypique ayant perdu le sens des réalités vis à vis de sa famille. Edward Norton en chef scout psychorigide, Tilda Swinton en représentante des services sociaux (dont c’est l’unique nom) mal perruquée et Bruce Willis en vieux flic dégarni se jouent avec humour de leur image pour notre plus grand plaisir.

Si Moonrise Kingdom est sans doute le plus accessible des films de Wes Anderson, sorte de best-of assez plaisant de l’univers particulier dépeint dans ses œuvres précédentes et dont il a fait le tour, on ne peut qu’espérer qu’il s’agit ici d’un paroxysme qui permettra au réalisateur de tourner la page et s’aventurer sur d’autres terrains..

.

.

.

[/col2]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *