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Les “EuroMovies” de Woody Allen n’en finissent pas de diviser. Celui qu’on associe tant à New-York ou Manhattan s’essaye depuis quelques années à la vieille Europe avec une franche réussite (Match Point, Vicky Cristina Barcelona ou Midnight in Paris) ou une patte un peu molle (Scoop, Le Rêve de Cassandre, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu…). Dernière étape en date de son exploration exotique européenne, après Londres, Barcelone ou Paris : Rome, ville de cinéma, de séduction et de passions…
To Rome With Love est un long film carte postale, c’est une évidence. Rien d’ailleurs dans le film ne laisse supposer que Woody Allen ait voulu faire autre chose. C’est délibérément que le réalisateur américain colle à la peau des clichés, des pâtes aux paparrazzi, de la séduction et de la drague toute italienne aux terrasses, au soleil, à l’opéra… Allen enfile les lieux communs pour illustrer au mieux son propos : dans Minuit à Paris, il dressait le portrait d’une ville de tous les possibles, de l’inattendu, et donnait à la capitale française un contour presque “magique”, ou culture et histoire se confondent à chaque croisement de rues. Dans To Rome With Love, il dresse le portrait d’une ville de tous les fantasmes, celle où tout ce qu’on imagine est possible, où tous les rêves s’expriment par nature. Quoi de plus idéal qu’une carte postale pour effacer le réalisme et exprimer le fantasme ? La carte postale est, par essence, ce qui donne au lieu tout son bouillonnant contenu fantasmatique, où les couleurs sont plus contrastées qu’en réalité, où le cadrage rend le lieu plus géométriquement parfait qu’en vrai, où le ciel semble figé sur un éclat irréel, où les rues, désertes, semblent subtilement nous appartenir, loin du fourmillement touristique de la réalité…
Woody Allen entraine donc le spectateur dans une ville où l’imagination côtoie le réel, où les désirs utopiques deviennent tangibles. Les aventures parallèles (plus que croisées, les héros ne se rencontrant jamais) de plusieurs personnages, de passage à Rome (ou y vivant, même ponctuellement), deviennent une carte postale animée, vivante, qui ne dit rien de plus que la joie et la simplicité de vivre un rêve éveillé dans une ville où toute fantaisie semble rythmer le quotidien. A Rome, on peut coucher avec un comédien (Antonio Albanese), ou même avec un voleur ou une call-girl -sans le vouloir- (Penelope Cruz), on peut tomber amoureux à la Fontaine de Trevi (Alison Pill et Flavio Parenti), on peut devenir célèbre en un instant, revivre sa jeunesse (Alec Baldwin et Jesse Eisenberg), on peut se découvrir un don (Fabio Armiliato), ou monter un opéra, on peut discuter avec des stars sur un lieu de tournage (Ornella Muti)… A Rome, semble constater Woddy Allen, toutes les névroses habituelles semblent bercées dans une extravagance légère, au point délicieux que la frontière entre réalité et mirage s’estompe : à l’écran, rien n’est vraiment possible mais rien n’est réellement rêverie, tout se mélange délicatement (les aventures surréalistes de Roberto Benigni, ou celles d’ Alec Baldwin). Tout s’étire aussi, le temps comme l’espace : la durée se déforme (certaines aventures se déroulent sur un journée, d’autres sur plusieurs jours mais le montage donne le sentiment d’une unité de temps), l’espace n’a plus de limite (Rome semble immense de ruelles et de rues, où Alessandra Mastronardi perd ses repères).
Cartes postales… Le film n’est rien d’autre qu’une déclaration à Rome, comme le titre l’indique avec franchise : “To Rome With Love” aurait pu apparaitre en incrustation à la fin du film, comme la signature d’un admirateur fasciné par la ville, sa beauté et sa charge érotique. Le personnage qui ouvre et clôt le film, n’est rien d’autre, après tout, qu’un guide qui aurait vendu tout au long du film -notre visite- une Rome magnifiée par les anecdotes et les trouvailles de notre accompagnateur… Il nous dit “à bientôt” et nul doute qu’à l’instar de Woody Allen, il fera bon vivre, un de ces jours, ses névroses dans un cadre tel que celui-ci…
Rick Panegy