[Film – Critique] Springbreakers d’Harmony Korine : bubble-GUN

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De la provocation pour effarouché, de la poésie pauvre et racoleuse (entre un Bukowski au rabais et une transgression éculée), des couleurs outrancièrement acides ou sucrées, des ralentis excessifs, des cadrages exagérément décalés, un montage psychotropique et un discours poseur, Springbreakers choisit l’emphase pour tout costume, tente la critique, la plongée dans un monde frénétique et schizophrène, où les chimères de la société aveuglent une Amérique désœuvrée et nourrissent l’abîme du quotidien. Harmony Korine (scénariste de Kids, de Larry Clark balance entre le grotesque et la stylisation pop mais ne parvient pas à toucher ce qu’il vise : jamais ce qui est frôlé n’est réellement exploré, tant Korine s’embourbe dans une schématisation revendiquée. Ni l’étude de l’époque, ni l’impact de la société de consommation, ni les dérives du culte de soi, ni les travers malsains d’un monde d’apparence ne sont approfondis, il ne reste à la fin de Springbreakers qu’un objet formel, maitrisé de bout en bout certes, mais qui n’apporte aucune réelle nouveauté, et se fond dans le cinéma d’auteur comme un essai vain ou une redite douceâtre.

Entre sensations et anarchisme, la quête de l’absolu des quatre jeunes teenagers (Vanessa Hudgens, Selena Gomez, Ashley Benson, Rachel Korine, l’épouse du réalisateur) s’encombre d’une première scène aussi aguicheuse qu’inutilement explicative. Le traditionnel  springbreak des adolescents américains y est filmé dans ses excès les plus génésiques. Ce monde sans limites n’est hélas pas accessible aux quatre jeunes femmes, frustrées de ne pas pouvoir profiter de ce rituel transitionnel à cause d’un manque d’argent. Elles concèdent alors à commettre un acte déjà rempli de sens : le cambriolage d’un diner les plonge d’emblée dans la peau d’archanges déchus, avant même qu’elles ne le découvrent. Profitant alors de leur argent, elles se délectent de la démesure du springbreak, jusqu’à leur rencontre avec le malfrat local (James Franco), à laquelle succède avec évidence une descente (inversée ?, vécue comme une ascension) dans un enfer de fric et de feu.

Confondant la fascination pour la bêtise à l’ennui le plus indigent, Korine parvient à faire de sa symbolique dérive une anecdote creuse, sucrée, colorée, difforme et gonflée comme une bulle de chewing-gum qui enflerait du génie immodeste de son réalisateur et scénariste jusqu’à éclater et arroser l’écran de son vide collant pour adolescent en recherche de transgression.

Rick Panegy

2 thoughts on “[Film – Critique] Springbreakers d’Harmony Korine : bubble-GUN

  1. “jamais ce qui est frôlé n’est réellement exploré” Justement, je pense que le but n’était pas de porter un quelconque jugement ou d’approfondir le sujet. Il n’y a ni d’éloge de la violence ni de morale à retenir, juste un état des lieux..avec une vision sous acide

    1. peut-être ni éloge ni morale mais il aurait peut-être fallu un regard oui…pour remplir ce vide ! Et la vision sous acide évoquée a justement été tronquée et raboter par le trop plein d’acide… Il aurait fallu mieux dosé le plat ! Indigeste… ^^

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