[Film – Critique] Les Apaches de Thierry de Peretti : Tribal

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Le premier long métrage du réalisateur Thierry de Peretti, connu pour ses nombreuses mises en scènes au théâtre, allume l’été d’une candeur altérée : Les Apaches aborde le parcours douloureux, forcément initiatique, de quatre adolescents modestes de Porto-Vecchio. Sensible et implacable, il distille cependant un questionnement final étonnant…

 

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Fatalité. Un larcin tourne mal, qui suit un squat envieux d’une villa appartenant à de riches français de métropole. Confrontés à la mafia locale, mais surtout affrontant par la suite leurs peurs, leurs angoisses, leurs limites, à travers malentendus et disputes, les quatre garçons à l’origine du méfait n’éviteront pas le drame, qui les guidera, inévitablement, et malgré eux vers, à travers une rédemption nécessaire, loin de l’innocence dans laquelle ils baignaient.

De Peretti filme ici l’adolescence molle de cette Corse léthargique d’un œil bienveillant, proposant dès les premières minutes une scène festive, de joie et de candeur dans laquelle la menace plane pourtant. Les quatre garçons s’amusent avec des amis dans la piscine de la villa (l’un d’eux y travaille avec son père) ; musique, cigarettes, rires et flirt sont au programme de la soirée improvisée. Vivre un instant la bella vita des fortunés. L’opulence de la villa les attire en même temps qu’elle les fascine. Pourtant, les mouvements de caméra (de plus en plus fébriles), la photographie (une obscurité de plus en plus menaçante) et la mise en scène (l’alcool et l’excitation laissant place ci et là à la dispute, le calcul, ou l’ébriété)  laissent monter une tension qui annonce le drame.

Plus tard, lorsqu’il s’agira de rendre un fusil volé (le nœud du drame) au propriétaire en colère (un malfrat local qui ne plaisante pas), les jeunes prennent peur : la mort est inévitable. Elle engendre, au-delà de la nécessaire confrontation au réel, un choc émotionnel dont ils ne sortiront pas indemnes.

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Précarité. Les jeunes comédiens,  sensibles et aussi maladroits que spontanés, sont inévitablement animés d’une sincérité viscérale. C’est là toute la force des Apaches : une direction d’acteurs irréprochables, l’expérience du théâtre de Peretti faisant mouche à chaque scène. L’incandescence juvénile, mise à mal par l’expérience du précaire (l’amour, l’amitié, la confiance, la vie, la grâce), éclate dans une seconde partie où l’arrogance laisse place à la vulnérabilité. Derrière les rêves de caïds et les sentiments d’immortalité de l’adolescence se niche la vulnérabilité de la jeunesse : apprendre, fut-ce par l’erreur la plus totale.

Regards. La dernière scène suspend pourtant ce chemin de croix. La prise de conscience individuelle du héros délivré par la rédemption se gonfle alors d’une mise en question sociale ou -ce serait pire- ethnique. L’adolescent vient rendre le fusil dans la villa, dans laquelle dansent et s’amusent désormais les jeunes enfants du propriétaire et leurs amis probablement aussi aisés qu’eux. Ils sont quasiment tous blancs. Mais surtout, après avoir totalement ignoré le jeune criminel assagi par l’expérience, chacun des teenagers le toise, entre mépris et dédain, mêlant ainsi à la culpabilité du particulier celle du groupe et de la société, comme pour expliquer l’épicentre du drame récent. Le clivage social et/ou ethnique serait donc trop marqué et n’engendrerait qu’envie et convoitise : le jeune bourreau ne serait-il pas, avant lui-même, une victime de cette dérive de la division ? Cette dernière scène, ou la lumière d’un ciel radieux se confond à la condescendance des jeunes fortunés, répond comme un échos inversé à la première, au cours de laquelle les jeunes, plus gras ou plus maigres, plus pauvres -plus “divers”- jouaient et riaient dans l’ombre de la nuit ; la joie d’être ensemble. La nuit, ce moment où l’on rêve, même éveillé.

Une conclusion qui peut apparaitre comme chargée d’un symbolisme un peu trop vertueux, la bonne conscience à l’épaule et la radicalité derrière l’humanisme social. Cela suffit-il à ternir ces Apaches sauvages ? Ces guerriers ennemis malgré eux, au cœur et aux rêves alourdis de désillusions ont désormais l’âme enrichie d’une connaissance inégalable : celle de la valeur d’une vie.

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Rick Panegy

 

 

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