[Exposition – Critique] Agnès Varda – Triptyques atypiques

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Triptyques atypiques… Les sonorités se répondent autant dans le titre choisi par Agnès Varda que les images et les couleurs dans ses œuvres, qu’elle expose à la Galerie Nathalie Obadia. Varda se glisse dans la peau d’une Visual artist, comme elle aime à se définir pour cette nouvelle carrière de plasticienne. Les oeuvres exposées sont inégales, tantôt énigmatiques, tantôt absorbantes, tantôt étranges…

Des divers triptyques, la série des Portraits à volets vidéo est semble-t-il l’une des plus intéressantes de l’exposition : des projections vidéos encadrent une photographie, reprenant un des éléments de la photographie centrale. Les vidéos de part et d’autres de la photographie mettent alors en valeur le fascinant pouvoir paradoxal d’une image fixe : à son immobilité répondent les mouvements filmés. Et l’image fixe apparait alors aussi vivante que ce que l’imagination du spectateur crée : la force du mouvement de la photographie est adoubée par le média même du geste. Une réussite…

Les triptyques de photographies, mis en valeur par des cadres métalliques d’inspiration mexicaine mettent en relation le personnage de la photo centrale avec  les volets qui l’encadrent: un des éléments y est repris et mis en avant… La photographie s’allie ici au volume, mais l’impression d’enfermement (probablement voulu par Varda pour mettre en avant la notion d’intimité que recèlent ces triptyques) étouffent un peu l’ensemble…

L’installation de trois objets en hommage à Lautréamont est un volume assez étrange, illustrant une phrase poétique et surréaliste de l’auteur des Chants de Maldoror. Les papiers sur lesquels sont notés les vers du poètes jonchent l’installation, pure redondance des mots… Il y a, semble-t-il, un peu de facilité dans cette œuvre, qui apparait davantage comme un amusement typique chez Varda.

L’œuvre maitresse de ce Triptyques Atypiques est sans conteste cette immense photographie morcelée de cinq bacheliers nus sur une plage de Noirmoutier. Le triptyque est effacé derrière l’unité de façade : tantôt de dos, tantôt éloignés, les jeunes hommes sont parfois photographiés dans deux des trois éléments, certains dans un seul… Seul la différence d’échelle permet de différencier les trois parties, ainsi qu’un léger décalage dans l’accrochage. En forme de puzzle, le triptyque sème mystérieusement le doute : quelques pièces (visage, parties du corps…) sont tombées et le vide qui s’affiche à leur place donnent à l’œuvre un sens particulier : faut-il voir dans ces pièces absence le symbole d’un passage d’un état à un autre, comme des morceaux d’enfance qu’on laisserait derrière soit après le baccalauréat ? Serait-ce un symbole du souvenir, un morceau de soi que l’on laisse un été, sur une plage, pendant des vacances entre amis après le bac ? Dans ce triptyque, la poésie se mêle à l’esthétique… Une réussite.

Mais c’est le triptyque issu de son film Sans toit ni loi (1985) qui sors du lot : des photographies, captures d’images de son films, évoquent, dans une couleur sang, violence et fulgurance. Le mouvement figé, le rythme suspendu, les photographies ne proposent alors plus le même sens que la séquence du film : elles deviennent alors le relai d’une abstraction poétique, en lieu et place d’une expression de la violence. Intéressante mise en opposition de l’image fixe et de l’image mobile, et de l’incroyable capacité de l’image à déplacer le curseur de son interprétation selon son mode de mise en valeur…

Une Varda toujours aussi atypique, certes, qui explore avec une diverse réussite sa carrière de plasticienne… A suivre avec toujours autant d’intérêt. Car Varda, qui n’a plus rien à prouver, ne fait que proposer sa sincérité à chaque sortie. On l’accompagne !

Rick Panegy

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