Son spectacle est l’une des très bonne surprise de ce Festival d’Avignon 2014. Avec La Ronde du Carré, Dimitris Karantzas se révèle à la scène française, où il ne s’était encore jamais produit. Adapté de l’ouvrage du célèbre auteur grecque Dimitris Dimitriadis, La ronde du carré (O Kyklismos Tou Tetragonou) est une plongée tourbillonnante dans les affres des tourments humains. Impressionnant !
Pour nous, le metteur en scène revient sur son spectacle.
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Rick et Pick : Vous montez La Ronde du Carré, de Dimitriadis. Avant vous, des metteurs en scène comme Corsetti ou Chéreau ont déjà monté cette pièce ou cet auteur. Comment abordez-vous l’idée de leur succéder ?
Dimitris Karantzas : Je ne pense pas que je commence mon travail en m’orientant vers celui des autres, et leur pensée… Pas par manque de respect ou d’estime pour leur travail mais on ne peut travailler qu’en communiquant directement avec l’œuvre, avec l’écrivain, sans penser qu’il y a de grands metteurs en scène qui l’ont fait avant. Ce ne serait pas productif.
R&P : Vous n’avez que 26 ans. En cela, vous vous démarquez de beaucoup d’autres metteurs en scène. Pensez-vous qu’il y a des thèmes qui sont liés à votre génération, et dont vous seriez porteur ?
D.K. : Non, je ne pense pas qu’il y ait des thèmes ou des sujets que je représente pour ma génération. Bien sur, il y a des thèmes propres à ma génération mais je ne souhaite pas en faire mon théâtre. Évidemment, en travaillant sur le texte, il y a des thèmes qui apparaissent et surgissent dans l’œuvre qui ont à faire avec ma génération ou mon âge.
R&P : Vous avez collaboré directement avec l’auteur, Dimitriadis. Comment le processus de travail s’est-il mis en place ?
D.K. : C’était touchant de travailler avec Dimitriadis. Il venait aux répétitions avec une curiosité et avec un grand respect pour ce qu’on nous faisions sur son œuvre. Il ne venait rien imposer ! Auparavant, nous avions déjà travaillé ensemble, sur Hélène d’Eurypide, qu’il avait traduit. Nous avions déjà trouvé notre chemin de communication alors.
R&P : Et avec les comédiens ? Vous avez une méthode de travail particulière… dites-nous en plus.
D.K. : Je veux que les comédiens soient là, dès le premier moment, et au courant de la construction du spectacle ! Ce qui m’intéresse, c’est de voir les acteurs dans le temps scénique, c’est à dire du premier moment, dès la lecture, jusqu’à la fin, de voir leur expérience grandir au fur et à mesure qu’ils jouent la pièce. Je veux que la pièce soit inscrite dans le temps et à travers leur expérience, ils doivent avoir “vécu” le texte…
R&P : Dans La Ronde du Carré se répètent, comme un cycle, plusieurs scènes, à travers lesquelles on observe un phénomène d’amplification. Comment envisagez-vous cette amplification dans votre mise en scène de telle sorte qu’elle prenne sens ?
D.K. : Oh, c’est quelque chose qu’on me demande souvent ! (rires) C’est ce qui est primordial, cette répétition !!
R&P : Vous voilà “victime” de cette répétition! Vous vous sentez comment de vivre ceci en boucle ?
D.K. : J’ai l’impression d’être DANS la pièce ! (rires) Pour revenir à la question… En lisant la pièce, j’ai essayé de décrypter quelle était cette répétition, ce motif. La première partie est très détaillée ! Les personnages y parlent de situations très limites, mais, même s’il s’agit de situations extrêmes, ils en parlent de manière très détaillée, très exacte, c’est comme s’ils ne la vivaient pas mais l’observaient. Puis, au bout d’un certain temps, les personnages commencent à vivre les situations qu’ils ont “observées” auparavant, cela devient donc plus rapide, plus vivant… J’ai donc essayé de créer un cadre sur lequel ils vont vivre ces choses dans la première partie, puis pour la seconde partie, j’ai pensé que les personnages étaient piégés par le cadre qu’ils avaient créé : les lumières s’abaissent alors sur eux, ainsi “piégés” ils sont obligés de “vivre”, ce cadre devient alors leur condamnation. Les personnages ont envie de sortir de ce cadre. Mais ils se rendent compte que ce n’est pas possible et doivent apprendre à vivre avec cela, c’est la troisième partie..
R&P : Dans votre pièce, il y a une montée dramatique jusqu’à un climax, une explosion. Et après ?
D.K. : Après l’explosion, il s’agit de trouver une solution ! Les personnages doivent apprendre à vivre avec leur contraintes, il doivent trouver une solution car il n’y a que ça à faire ! On ne peut pas s’en départir. Il faut chercher une réconciliation avec soi-même.
R&P : Désormais, quels sont vos projets ?
D.K. : Hélène a déjà été monté mais en septembre, dans le cadre du Festival d’Athènes, le spectacle sera remonté. Nous le jouerons aussi peut-être à Scorpio, dans le festival Monde. Je travaille sur une pièce de Odon von Horvath “Sladek, soldat de l’armée noire “, qui parle de la montée du nazisme, et puis sur une autre pièce de Dimitriadis “Phaeton “.
R&P : Des mises en scènes d’Opéra peut-être ?
D.K. : J’en ai déjà fait une, au Théâtre Lyrique d’Athènes… Ça pourrait m’intéresser, mais cela prend beaucoup plus de temps qu’une pièce de théâtre parce que les chanteurs lyriques ont une éducation totalement différente. C’est aussi plus difficile de trouver comment tenir la narration avec des chanteurs…
R&P : A 26 ans, vous avez déjà fait le Festival d’Avignon, le Théâtre National d’Athènes… Que reste-t-il ?
D.K. : On peut avoir des retours vers des théâtres plus petits, d’autres plus grands, ou on arrête, tout simplement ! Ce n’est pas qu’une progression linéaire, il peut y avoir des retours en arrière, la vie est faite de cercles…
R&P
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