[Théâtre – Critique] Je ne serai plus jamais vieille par Jean-Louis Martinelli

Seule sur scène, Christine Citti donne vie au texte de Fabienne Périneau, avec la force d’une femme blessée en reconquête de son indépendance. Fragile, fort, tragique. Un cri et un appel : les femmes harcelées ne doivent plus jamais l’être. Je ne serai plus jamais vieille, confesse l’héroïne : de la jeunesse, il faut alors garder l’insoumission et la révolte.

Un fauteuil, au milieu d’une scène dépeuplée de toute humanité. Un rocking-chair précisément, sur lequel Christine Citti se balance, à l’instar de sa vie qui tangue entre désespoir et révolte sourde. Cette vie de femme humiliée, harcelée, abusée, elle la narre sans masque, sans fard. Elle livre un récit glaçant de soumission : des bribes de dialogues avec l’homme qui partage (domine?) sa vie, avec sa femme de ménage aussi, s’immisce dans une pensée qu’elle livre à haute voix. Jusqu’au point de non retour : celui ou la vie ou la mort prend le dessus. C’est la femme de ménage, dans la peau de laquelle se glisse Christine Citti, enlevant sa robe de chambre rouge vif, qui exhortera la femme soumise à saisir sa chance. Se révolter, faire valoir ses droits, partir.

Pendant plus d’une heure, Christine Citti livre une performance de comédienne remarquable. Le regard tantôt vide, tantôt haineux, tantôt rempli de peurs, elle incarne avec une force fascinante l’absence de dignité, ou plutôt la dignité dérobée, elle habite avec une sincérité émouvante la femme écrasée.

Le texte de Fabienne Périneau, qu’elle porte à merveille, alterne la simplicité des mots crus et évidents et la réflexion sur une situation insupportable. Basculant intelligemment du dialogue au souvenir parlé, du stream of consciousness à la confession, le style de Fabienne Périneau n’est jamais ni trop intellectualisant ni trop vulgarisé. Et la mise en scène de Jean-Louis Martinelli, sobre et épurée, presque aussi dévastée et vide que l’âme de la femme victime, sait rendre à la comédienne toute la lumière : parfaitement dirigée par Martinelli, Christine Citti suspend ses phrases, modifie subitement son expression, adapte son corps au gré de la violence des mots qu’elle débite…

Un moment de connivence avec un témoignage poignant, comme un instant d’intimité, Je ne serai plus jamais vieille appelle d’abord la compassion, puis la colère pour finir en rage d’espoir ! Il y a des choses qui doivent cesser. Si elles ne cessent d’exister, il faut les combattre en se retrouvant, soi et sa dignité.

Rick Panegy

Au Théâtre des Mathurins.

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