[Cinéma – Critique] The Smell Of Us de Larry Clark

Toujours précédé d’un parfum de scandale et de provocation, la dernière fabrique à fantasmes de Larry Clark, The Smell of Us, est un amoncèlement de plus des obsessions et des utopies de l’artiste américain. A l’arrivée, une montagne d’ambiguïtés savamment orchestrées qui accouche d’une misérable souris voyeuriste…

Constamment obsédé par la jeunesse dépravée, et par sa sexualité dévoyée, Larry Clark ajoute à son œuvre névrosée une pièce supplémentaire, explorant cette fois-ci l’adolescence parisienne dorée. Encore une fois polarisé sur le (teen) White trash, Clark fait écho avec The Smell of us à sa propre vie, alternant entre fabrique à ses propres fantasmes assumés et reflet de sa jeunesse de photographe, lorsqu’il saisissait sur le vif ces teenagers encanaillés et dévergondés. Sexe et drogue envahissaient déjà ses premiers pas de photographe, sans que l’on ne soit jamais parvenu à déterminer la part de mise en scène et celle de vérité…

Dans ce white trash à la parisienne, entre le Trocadéro et le Palais de Tokyo, la jeunesse sensuelle de Clark se perd dans la sexualité tarifée, là même où la prostitution est rendue facile grâce à l’Internet quotidien… Les petits bourgeois de la capitale s’essayent à un langage de rue qui sonne faux et s’accaparent les codes street (skate et squattage), ils fument, se droguent, côtoient sans problème le clochard du coin, pratiquent la destruction matérielle facile ou ont un rapport au corps et à la sexualité pour le moins libéré : probablement loin de la réalité, la mise en récit de tous ces éléments dans The smell of us est en apparence le reflet d’une vérité sociologique contemporaine. Il n’est pourtant, semble-t-il, qu’une manufacture destinée à mettre en image les fantasmes libidineux de Larry Clark. Double fantasme : celui de revivre sa jeunesse, ou de la prolonger avec les facilités actuelles, et celui que le cinéma lui permet d’assouvir, vivre une sexualité sensuelle avec des corps tout juste pubères… La scène où un vieillard assouvit, en payant, son désir fétichiste (lécher les orteils -sales- d’un jeune homme) est d’ailleurs jouée par Clark lui-même…

S’appuyant sur toutes les analyses plus ou moins effrayées des anthropologues du moment, relayées par certains médias, le réalisateur de Ken Park aborde sans discernement les questions de la jeunesse des années 2000 : celle dont le rapport à la sexualité est biaisée par une perte des repères ou des valeurs. Le soucis, dans le regard de Clark, c’est qu’on peine à savoir s’il le déplore ou s’il s’en réjouit… Il y ajoute le rapport à la mère, les questionnements psychologiques qui poussent à la prostitution, la drogue dure comme approche récréative, l’appauvrissement de la sexualité des seniors par rapport à leurs désirs toujours vifs, le rapport à l’argent et à son pouvoir sur le sexe, la déconnexion des adultes -parents- avec les nouveaux marqueurs de la jeunesse -enfants-… Autant de thèmes qui auraient nécessité une analyse plus poussée ou un regard plus distancié avec son sujet de la part de l’auteur. Le départ prématuré de Lucas Ionesco, éphèbe principal du film et Ganymède rêvé d’un Larry Clark qui s’idéalise Jupiter, semble en effet en dire long sur les rapports ambigus entretenus par le réalisateur avec son “œuvre” et ses comédiens, et l’absence de distance nécessaire… (voir article sur LesInrocks)

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Avec ce film, Larry Clark relance hélas la rengaine des critiques à son égard, des procès d’intention sur une supposée pédophilie, terme abusivement employé pour un homme âgé qui ne nie pas son attirance pour les jeunes, qu’elle provoque malaise ou dégoût chez certains… Ceux-là même qui décident donc qu’on est pédophile quand on couche avec un garçon de 20 ans.

A priori, il faut donc prendre The Smell of Us comme la pure expression d’un fantasme personnel. Fantasme que le cinéma permet visiblement à son auteur d’assouvir, créant ipso facto un objet de fantasme pour qui partagerait les mêmes obsessions que Larry Clark. Pour les autres, c’est un moment assez délicat à passer…

Rick Panegy

“En 2013, tous les mecs sont gays !”

L’aberrante phrase d’un personnage qui résume le degré d’idéalisation fantasmée de Larry Clark…