Deux ans après avoir mis à l’honneur Julio Le Parc, le Palais de Tokyo consacre une vaste exposition monographique à une autre grande figure de l’art de la seconde moitié du XXe siècle : Vassilakis Panayotis dit Takis. Le centre d’art confirme par la même occasion sa volonté d’exposer toutes les générations de l’art contemporain : l’artiste fêtera cette année ses 90 ans.
L’exposition Champs magnétiques, visible jusqu’au 17 mai, rassemble sur l’esplanade et dans la « nef », l’espace le plus grand et le plus lumineux du Palais, un ensemble représentatif d’œuvres de Takis, sélectionnées par Alfred Pacquement -l’ancien directeur du musée national d’art moderne et déjà commissaire de la précédente rétrospective de l’artiste en France, en 1993 à la galerie nationale du Jeu de Paume-.
Né en 1925 à Athènes, Takis vit et travaille à Paris depuis le milieu des années 1950. Décrit tantôt comme un « chercheur insatiable », un « expérimentateur de l’invisible » ou un « savant intuitif », Takis cherche -pour faire simple- au moyen de dispositifs artistiques à rendre visible l’énergie, en particulier magnétique. Ses travaux embrassent plusieurs champs de l’art contemporain : installation, performance (il fut le premier homme, six mois avant l’exploit de Youri Gagarine, à lancer « symboliquement » une personne dans l’espace), sculpture, vidéo… On retrouve là, en désordre, un parcours thématique ayant été privilégié, les grandes séries de l’artiste : les « murs magnétiques », les « signaux », les « télélumières », les « sculptures musicales »…
De Takis, on connaît surtout les Signaux (grâce entre autres aux deux grandes installations érigées à la Défense, dans le grand bassin ouvrant l’esplanade et derrière la Grande Arche) qu’on retrouve par dizaines au Palais de Tokyo : de grandes sculptures longilignes, élancées vers le ciel, composées d’une tige de fer rigide d’abord, flexible ensuite, surmontée de ferraille. L’artiste intègre à ses recherches les débris de la société moderne, il réemploie des objets trouvés détournés de leur usage premier : cadrans, ampoules usagées, pièces électroniques, outils de forgeron, mécanismes en tous genres… plus ou moins facile à reconnaître.
On retiendra plutôt de cette exposition les trop rares sculptures érotiques qui font la synthèse entre figuration et abstraction (Takis associe le moulage d’un corps masculin ithyphallique dépourvu de tête, sorte de Priape moderne, avec des éléments métalliques mis en tension) et la série des Murs magnétiques où des objets en métal accrochés à un fil depuis le plafond sont attirés par des aimants disposés au revers d’une toile peinte sans jamais les toucher, créant ainsi un effet de lévitation tout à fait fascinant.
Les œuvres de Takis, bien que faites à partir de formes et de moyens simples, sont souvent spectaculaires. Elles sollicitent la vue, l’ouïe (le bruit assourdissant d’une chaîne dans une salle, les coups de gong dans une autre…) et le toucher : les visiteurs sont invités à participer activement à l’exposition et à faire l’expérience des forces magnétiques mises en scène par Takis. Dès la première salle, une boussole à disposition permet de constater l’influence d’un mur aimanté sur l’aiguille, censée indiquer le nord.
L’exposition, comme celle de Julio Le Parc présentée il y a deux ans au même endroit, invite à la déambulation. L’exposition se parcourt au rythme des activations des œuvres -certaines étant trop fragiles pour fonctionner non stop- autant que des mouvements oscillatoires dessinés par plusieurs d’entre elles : balancement de boules magnétiques à la manière d’un pendule de Foucault, tournoiement des aiguilles des cadrans, déplacements rotatifs en fonction du vent, ou des scintillements lumineux… On en ressort totalement charmé.
Pascal Bernard de Paricultures.com
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- Au Palais de Tokyo
- Du 18 février au 17 mai 2015
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