Un peu plus resserrée, cette troisième édition du Festival d’Avignon avec Olivier Py à sa tête n’en sera pas moins attendue et riche d’un programme dans lequel on attend quelques bons moments, 70ème anniversaire oblige ! Toujours politique, toujours engagé, Olivier Py ne se détourne pas de ce qu’il estime être les missions de l’art, et assume sa détermination politique et populaire. “L’amour des possibles” titre-t-il en préambule du programme 2016: si ça, ce n’est pas de la politique pure…
[blockquote cite=”Olivier Py”][icons icon=”quote-circled” color=”#bc1ece” size=”37″]Face au désespoir du politique, le théâtre invente un espoir (…) qui n’est pas que symbolique mais exemplaire, emblématique, incarné, nécessaire. [/blockquote]
Cette année, Avignon s’ouvre encore au monde : on guettera la large place faite au Moyen-Orient, avec la présence de l’Israélien Amos Gitaï (une soirée dans la cour d’honneur autour de l’assassinat d’Yitzak Rabin, des Libanais Ali Chahrour ou Marc Nammour, de l’Iranien Amir Reza Koohestani, du Jordanien Omar Abusaada. On voyagera aussi du côté de l’Espagne avec Angelica Liddell (habituée), de la Grèce avec le Blitztheatregroup ou du Chili (le retour de Marco Layera), de la Suède (Sofia Jupiter) ou de l’Autriche (Cornelia Rainer). De New-York à la Russie, en passant par les Pays-Bas, le monde sera étreint par la même gageure : faire du théâtre une arme de l’éveil des consciences.
[blockquote cite=”Olivier Py”][icons icon=”quote-circled” color=”#bc1ece” size=”37″]Nous avons le devoir de résister, et le devoir d’insister.[/blockquote]
Retour rapide sur la programmation, avec, en vrac et bourré -toujours- d’une subjectivité assumée : un choix restreint pour s’orienter dans la quarantaine de spectacles donnés au cours de ces trois semaines de théâtre, de musique et de danse… Du 6 au 24 juillet, la résistance s’organise à Avignon, elle passe par l’art vivant !
[blockquote cite=”Olivier Py”][icons icon=”quote-circled” color=”#bc1ece” size=”37″]Les artistes sont la voix du peuple qui refuse un monde privé de sens. [/blockquote]
[alert variation=”alert-warning”]A l’heure du choix : 15 spectacles à voir[/alert]
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1/ “LES DAMNES”
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- Théâtre
- Ivo Van Hove – Comédie Française
- Cour d’honneur du Palais des Papes
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Ivo Van Hove adapte le chef d’œuvre de Visconti, Les Damnés : Au cœur du nazisme émergeant, les tourments, manipulations, jeux de pouvoirs d’une riche famille d’industriels, aux mœurs et valeurs misérables. La troupe de la Comédie Française s’installe dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes pour ouvrir le Festival ! Très attendu, le spectacle -entre les miss en scène toujours travaillées d’Ivo Van Hove, le thème et le troupe du Français- promet une entame de Festival remarquée !
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2/ “Soft Virtuosity, Still Humid, On the edge”
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- Danse
- Marie Chouinard
- Cour du Lycée Saint-Joseph
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Madeleine Chouinard, reconnue mondialement, s’installe 6 soirs à Avignon pour y montrer les corps, leurs marches, leur devenir par le déplacement. Autour d’un riche vocabulaire autour de ce thème, qui se déploie en expériences, la chorégraphe canadienne promet un spectacle forcément réhaussé de scéno, vidéo et accessoires.
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3/ “Ceux qui errent ne se trompent pas”
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- Théâtre
- Maëlle Poésy :
- Théâtre Benoît XII
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Maëlle Poésy, dont le succès a été soudain et spectaculaire, arrive à Avignon sur une dynamique hyper-positive. Avec Ceux qui errent… c’est toute la classe politique qu’elle arrose d’un déluge de vote blanc, sous une pluie incessante. Une satire quasi-dystopique en même temps qu’elle se révèle presque hyper-réaliste : la société est-elle capable d’assumer sa propre frustration politique ?
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4/ “Qué Haré yo con esta espada ?”
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- Théâtre
- Angélica Liddell
- Cloître des Carmes
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La metteur en scène, performeuse, auteur, philosophe et papesse de la question théologico-paienne revient à Avignon : La violence, de fantasmée à réalisée, glissera de la société, sur laquelle Angelica Liddel fait un constat troublant, à la scène, où l’artiste espagnole livrera catharsis et transcendance des désirs troubles. Comment vivre par procuration l’effondrement de son surmoi ? Grâce à Liddell, forcément immanquable.
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5/ Karamazov
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- Théâtre
- Jean Bellorini
- Carrière de Boulbon
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Le retour de la carrière de Boulbon ! Lieu incontournable, sublimant les pièces qui y sont données, qui avait manqué à l’édition dernière. C’est Jean Bellorini qui s’y installe : 5h de Dostoïevski. Les frères Karamazov y sont adaptés, et c’est l’occasion de pénétrer dans l’humiliation, la foi, la société cloisonnée entre désirs d’émancipation et rigueur religieuse.
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6/ “2666”
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- Théâtre
- Julien Gosselin
- La Fabrica
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Régulièrement, le Festival accouche de monstres spectaculaires qui font voler en éclats les repères du temps. Comment aurait-il pu en être autrement pour cette adaptation du roman fleuve et culte de Roberto Bolano, 2666 ? Après son très apprécié Les Particules élémentaires, Julien Gosselin invite donc le spectateur à 12h de spectacle autour de cette saga dantesque peuplée de fantômes et de crimes. Si ce n’est pas à Avignon qu’une telle aventure est possible … ?
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7/ “Het Land Nod”
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- Théâtre / Installation / Performance
- FC Bergman
- Parc des Expositions
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Pas de demi-mesure avec les FCBergman ! Le groupe hollandais est spécialiste des distorsions des repères : l’espace de la scène ne se limite jamais aux conventions. En naît toujours des spectacles plastiques, déroutants, provoquant un trouble esthétique et poétique incontournable. Go.
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8/ 20 November
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- Théâtre
- Sofia Jupiter
- Théâtre Benoît XII
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Sofia Jupiter revient, avec 20 november, sur l’effroyable, l’indicible, l’innommable : le massacre de lycéen par leur propre camarade de 18 ans. Sur un texte de Lars Noren, l’artiste suédoise permet, dans un seul en scène qui s’annonce radical, de replonger avant le crime : on attend cette confrontation avec David Fukamachi Regnfors, qui incarne le jeune meurtrier, avec fébrilité.
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9/ “We’re pretty fuckin’far from okay”
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- Danse
- Lisbeth Gruwez
- Gymnase Paul Giéra
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Lisbeth Gruwez propose, à travers un dispositif scénique simple et minimal, d’observer le mécanisme de l’angoisse et de la peur, de la sensation progressive de l’appréhension de l’autre : comment le corps, le mouvement, le déplacement, répondent-il à l’esprit ? Ou inversement…
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10/ “Espaece”
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- Danse / Cirque / Théâtre
- Aurélien Bory
- Opéra Grand Avignon
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Aurélien Bory est un artiste inclassable : la danse n’est pas exclusive chez lui, elle n’est en tout cas pas la conclusion, mais bien souvent le vecteur d’autre chose… L’artiste explore tout aussi bien les arts du cirque que des dispositifs scéniques ou scénographiques très proches du théâtre. Dans Espaece, où se mêlent l’espace et l’espèce et où résonne le livre de George Perec “Espèces d’Espaces“, on est impatient de voir comment l’oulipo se révèlera, même par suggestion et comment la géométrie de Bory se mariera avec l’éclatement tous azimut de Perec. Hâte.
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11/ “Les âmes mortes”
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- Théâtre
- Kiril Serebrennikov
- La Fabrica
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De retour à Avignon après son spectacle Les Idiots (2015), Kiril Serebrennikov (de passage au Festival de Cannes cette année, car le bonhomme est un touche à tout) s’attaque cette fois à Gogol ! Les grands auteurs russes ne lui font pas peur. Mises en scène atypique et alternance entre réductions des effets et multiplication d’artifices (ou l’inverse pour d’autres) composent le théâtre de Serebrennikov qui laisse rarement indifférent : ici, le mépris pour le genre humain -où l’accent sur la bêtise parfois cruelle des hommes- laisse présager un spectacle encore clivant !
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12/ “Babel 7-16”
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- Danse
- Sidi Larbi Cherkaoui / Damien Jallet
- Cour d’honneur du Palais des Papes
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Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jallet recréent Babel pour la Cour d’Honneur. Crée en 2010 (dans le cadre d’un triptyque, avec myth et foi), Babel sera cette fois présenté comme un spectacle dans son unité. Recontextualisé, il n’en sera sûrement pas moins porteur de sens, dans une société où les questions de la solidarité, du partage, de la parole, de l’envie d’inaccessible ou des divisions composent de plus en plus le quotidien d’une histoire contemporaine.
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13/ “Ludwig, un roi sur la lune”
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- Théâtre
- Madeleine Louarn
- L’Autre Scène – Vedène
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Comment résister au théâtre de Madeleine Louarn et à l’Atelier Catalyse ? Une troupe de comédiens qui, par leurs différences et leur singularité, replace au centre des questions artistiques le plaisir du jeu. L’individu aussi. Ensemble, ils nous embarquent dans une reconstitution à leur manière de l’histoire du roi Louis II de Bavière. Fort probable que le regard des comédiens de l’Atelier soient tantôt drôle, tantôt sidérants de sincérité !
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14/ “Place des héros”
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- Théâtre
- Krystian Lupa
- L’Autre Scène / Vedène
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Revoilà Lupa ! Après son succès de l’an dernier (Des Arbres à abattre), il présente un autre Thomas Bernhard (son auteur de prédilection) : Place des héros. Pas de doute à avoir, le spectacle de Lupa sera probablement des plus maitrisés, esthétiquement et “narrativement”. Quant au sujet abordé, ne comptez pas sur Lupa et sur Bernhard pour vous donner du doucereux tiède.
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15/ “Fatmeh” et “Leïla se meurt”
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- Danse
- Ali Chahrour
- Cloître des Célestins
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La sensibilité d’Ali Chahrour sra doublement mis à l’honneur cette année. Leïla se meurt et Fatmeh, où il sera question des rituels religieux et culturels, des femmes, de la mort, du deuil et de l’intime, du corps à travers la société et l’expression du sentiment. Pas de surenchère technique, de gonflements scénographiques : la dramaturgie s’exprimera par le corps. A voir !
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[icons icon=”right-fat” color=”#8224e3″ size=”22″]Tout le reste ? A DÉCOUVRIR pardi !
On vous conseille d’aller faire un tour du côté du jardin Ceccano où la Piccola Familia de Thomas Jolly relate l’histoire du Festival d’Avignon de 1947 à 2086, sous forme d’épisodes quotidiens de 12h à 13h. Et c’est gratuit ! Le même Thomas Jolly adaptera aussi Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser au Gymnase du Lycée Saint-Joseph où 13 jeunes comédiens du TNS exploreront les méandres de l’espèce humaines. Survivre ou mourir ?
Olivier Py lui-même propose cette année Prométhée enchainé d’après Eschyle (spectacle itinérant): une occasion de mettre en avant l’insoumission et la désobéissance. L’attitude du Titan condamné par les Dieux résonne de manière politique sous le regard de Py ! Il s’aventure aussi dans 5h de théâtre autour d’Eschyle, dans une mise en scène épurée et une distribution minimale (Villeneuve les Avignon)
Tristesses d’Anne-Cécile Vandalem sera aussi à découvrir : un théâtre de vidéo et d’ambiance peu joyeuse (bien que traité avec humour) autour d’une société maintenue dans état d’attristement calculé…
Il faudra sûrement aller voir Alors que j’attendais de Mohammad Al Attar au Gymnase Paul Giéra : le coma, la famille qui explose suite au trauma, la Syrie bouleversée… Humanité et société.
Toujours en dehors des sentiers attendus, visitant les stéréotypes et franchissant les lignes convenues, Trajal Harrell propose Caen Amour. Pour les aficionados !
Pour profiter de la rare Judith Henry, on aurait tendance à vous dire de filer à Villeneuve Les Avignon : Interview de Nicolas Truong retrace les contours toujours distendus de cet exercice. Un jeu de questions-réponses qui questionnera…
Aussi, le retour de Marco Layera à Avignon sera à guetter du coin de l’œil : Son La Dictadura de lo Cool promet un certain second degré grinçant. Les “bobos” en ligne de mire, le conformisme et les mécanismes de communautarisme sociétal seront décortiqués…
Enfin, il faudra forcément s’arrêter dans l’Eglise des Célestins voir l’exposition Surfaces d’Adel Abdessemed (Auteur de l’affiche du Festival) une dizaine de bas-reliefs, parfois de très grand format, se marieront avec l’architecture de l’Eglise, révélant les sculptures de l’histoire contemporaine, faites dans du marbre, de l’or ou du sel… Non loin de là, la Collection Lambert prolongera le spectacle de Thierry Thieû Nang avec l’exposition Au Cœur, qui explorera les “territoires de l’enfance“.
Bon Festival !
Rick Panegy