A Dieudonné Niangouna,
Vous n’avez pas de chance, Dieudonné Niangouna; je ne suis pas impressionné par ceux qui cultivent le verbe haut, les effets de manche et l’emphase comme s’ils étaient des gages de leur indiscutable vérité. Je ne suis pas impressionné par ceux qui brandissent la souffrance -la leur et celle des autres- pour que leur discours s’illumine d’irrécusable. Je ne suis pas impressionné par ceux qui font la guerre, ni par ceux qui agitent prétentieusement leur expérience au sein d’un conflit, la secouant au-dessus de la tête des autres comme un étendard de leur universel et irréfutable discours. Monsieur Niangouna, vous ne m’impressionnez pas.
Vous pérorez, vous vous agitez, vous insultez, vous diffamez et vous vous enfermez dans un cocon qui vous autorise – vous le pensez– à balayer d’un revers de main arrogant les quelques quatre lignes écrites par un spectateur à la sortie de votre spectacle. Un cocon d’artiste autoproclamé poète à qui, comme une évidence, on consentirait l’insulte et la diffamation ; à qui on donnerait le blanc-seing pour se poser en dictateur de la morale. Monsieur Niangouna, l’art vous autorise-t-il à me qualifier, par écrit, de “négationniste”, de “raciste”, de “fasciste” ? Au risque de vous surprendre, les limites que l’art transgresse existent bel et bien dans la réalité.
Oui, vous confondez art et réalité : vos spectacles, monsieur Niangouna, ne sont pas la réalité. Ce sont des spectacles, et rien d’autre. Que vous ne “distribuiez pas de bonbons” (quel mépris pour le spectateur… à qui pourtant vous vous adressez en tant qu’artiste) ne préserve cependant pas vos spectacles de n’être que de la représentation. A ce titre, ils suscitent ou non l’adhésion du spectateur. C’est un fait, c’est ainsi que la représentation existe depuis toujours… Vos spectacles ne sont que des spectacles, et c’est tant mieux. Cela vous attriste peut-être, il faudra bien vous faire une raison… Acceptez cette frustration, vous n’en serez que moins aigri…
Monsieur Niangouna, vos spectacles ne sont pas de la politique, ils ne sont pas des harangues sur la place publique, ils ne sont pas des prêches. Ils ne sont pas la guerre, ils ne sont pas les morts en méditerranée, ils ne sont pas les enfants soldats. On ne meurt pas sur votre scène. On ne meurt pas encore avec vos mots. Acceptez de n’être que ce que vous êtes. Un auteur, un metteur en scène. Et vous verrez que vous trouverez plus facile d’accepter les spectateurs comme tels, et non comme vos élèves. Vous verrez.
Monsieur Niangouna, vous avez du être blessé par ces quelques petites lignes à je ne sais quelle prétention, je ne sais quelle fatuité : vous avez vomi par la suite, en commentaire, d’innombrables lignes de haine, de colère et de mauvaise foi, vous saisissant de la souffrance d’un monde, de la mort et de votre propre expérience de la guerre pour légitimer la forme de votre spectacle. Comme si le fond donnait à la forme une irréfragable nature.
Que je n’ai apprécié votre spectacle ne fait donc pas de moi un “raciste”, un “fasciste”, un être “inhumain”… Il faudrait, avec vous je pense, faire une explication de texte des quelques lignes (pas une critique, un post Facebook) que j’ai écrite en sortant de Nkenguegi. Mais ce serait se heurter à votre poétique emphase politique et moraliste, celle qui achève l’opposant dans une case ennemie et celle qui occulte le reste du monde, qui n’est plus vu par vos yeux qu’à travers un prisme que vous ne remettrez a priori jamais en question.
Je n’ai pas connu la guerre et leurs bombes que vous placardez mesquinement comme votre couronne de raison. Je n’affiche pas le verbe haut et ne nourris pas mon propre orgueil dans une colère poétique, je ne m’accomplis pas artiste. Je ne me rêve pas leader messianique ou moraliste à la commisération exigée. Je n’ai pas de revanche à prendre, ni rage à transposer, qui justifieraient chacun de mes acerbes mots. Je ne suis pas comme vous. Vous le regrettez. J’en suis soulagé.
Laissez-moi vous apprendre une chose qui semble vous échapper parmi la lumineuse immensité de connaissances que vous affichez (cette inculture que vous m’attribuez) : votre art, aussi politique soit-il, aussi engagé soit-il, aussi sincère soit-il, aussi entier, viscéral ou nécessaire soit-il pour votre intégrité, n’accouche en premier lieu que de spectacles, auxquels se rendent ceux qui l’ont décidé. Personne n’est obligé de le subir, chacun est volontaire. Ceux qui y vont sont donc aussi dignes de libre arbitre que vous seriez empli de talent… Ils peuvent (cela semble plus dur pour vous à admettre que la misère du monde et les morts injustes) ne pas apprécier votre proposition artistique. Apprenez-le.
Et ne pas apprécier votre proposition artistique ne fait pas d’eux des “fascistes”, des “négationnistes”, des “racistes”, des “chauvins”. Cela ne fait pas d’eux des êtres “inhumains” qui ignorent ce que vous, vous avez vécu. Nul ne prétend avoir la même expérience. Mais ne prétendez pas, Monsieur Niangouna, que le fond justifie toute forme, et qu’il est un rempart à toute critique ; ne prétendez pas pouvoir le faire voler haut et fier comme l’oriflamme de votre incontestable pensée. Arguez ses souffrances ou celles des peuples pour brandir l’impossibilité d’être contredit ou désapprouvé –pas soi-même en tant que personne, mais une de ses créations– c’est assez misérable. C’est même petit.
C’est, en réalité, indigne.
Et gardez-vous des diffamations que vous écrivez à la légère. D’aucun, moins “nombrilistes” que moi, auraient vite fait de vous donner plus d’importance qu’il n’en faut en réagissant assez mal.
Cela part donc de notre post Facebook, ci-dessous, (encore une fois, pas une critique monsieur Niangouna, un post Facebook…) auquel je fais suivre, pour la postérité, votre statut Facebook et vos commentaires à notre post, autour desquels vous pourrez jubiler, vénérant votre propre orgueil suffisant, comme on tournoie la tête gonflée autour des symboles de l’arrogance haineuse.
Rick Panegy
Notre post Facebook du 11/11/2016 suivi de votre réponse (que vous posterez ensuite sur votre mur)
Suite à notre post, et votre réponse, ci-dessus, vous publiez sur votre mur votre réponse comme un post, auquel nous avons juste le temps de répondre avant que vous nous “bloquiez” (votre courage et votre goût de la dispute ayant visiblement une limite). Ce qui permet à vos “fans”, “amis” ou fidèles d’offrir de délicieux commentaires :