[Spectacle] Ceux-qui-vont-contre-le-vent de Nathalie Béasse

Note : ♥♥♥

par

Rick Panegy

“Vents contrariés”

Comme à son habitude, Nathalie Béasse enrobe son spectacle d’un écrin de poésie et de délicatesse : de son “Ceux-qui-vont-contre-le-vent” se dégage une sensation de légèreté ou de compassion bienveillante. Des tableaux, des instants, clairsemés de rires ou de cris, d’extraits d’auteurs divers, d’images et d’esthétiques s’enchainent. L’ensemble est beau, apaisant, réconciliant, bien qu’il lui manque probablement une cohérence, un fil conducteur pour être une totale réussite.

Tout commence par une dispute – il y en aura d’autres – avant que des rires se succèdent, des embrassades et des regards s’échangent, des pleurs et des peurs surgissent ici ou là… Tout semble cycle dans “Ceux-qui-vont-contre-le-vent“, tout se répète et s’enchaine, sans lien ni conséquence, comme la vie déballe parfois des instants aussi miraculeux qu’inattendus, nichés au cœur de la banalité.

C’est toujours avec la même élégance que Nathalie Béasse construit ses spectacles, piochant au cœur de lectures, d’images ou de tableaux, des points de départ ou de fuite qui feront surgir de ses saynètes, parfois, l’inexplicable et l’intangible. Ce lien qui transcende la nature même de la représentation théâtrale pour faire du public l’acteur inconscient d’une communion : ici, dans son dernier opus, ne cherchez pas de sens, ni de récit ; c’est en enfilant chaque perle de ce chapelet d’anecdotes poétiques que le public finit par se soulever du poids de la responsabilité d’exister, qu’il finit par se réunir dans l’impalpable, devenir léger, comme ôté de lourdeur de ces mois de colères, de crises et de maladies.

Viens que jt’éclate le ballon !

Oui, certains tableaux sont bien en-deça d’autres, et parfois insuffisants. Mais par moment, l’un d’eux fait mouche, touchant quelque chose d’insoupçonné : cette chute répétée de la table, d’une rare élégance, où la danseuse est rattrapée par ses comparses ; cette femme le sourire éclatant, dansant avec chacun de ses camarades comme dans un dialogue des corps, mais qui s’achève à chaque fois par un abandon douloureux, le sourire laissant place à un regard bouleversant ; ce sceau de peinture rouge qui rompt soudainement une scène de joie infantile, ces extraits de textes de Rilke, de Flaubert lus face public comme on lit un lettre… Bien sûr, certains passages sont évidemment “Bauschiens” et le tout aurait pu y prétendre… Mais il manque à l’ensemble, cette-fois, un fil conducteur, un propos général, un sens enfoui qui aurait guidé cette accumulation de pièces morcelées vers une dynamique métaphorique plus globale : ici, on parle de la vie, de tous les âges, de toutes les sensations, on embrasse le jeu, la colère, les plaisirs avec la même intensité et la même trivialité, mais on ne fait que survoler l’indicible mystère là où on aurait aimé que de ces instants poétiques surgisse une certaine métaphysique. Reste la légèreté et la beauté de moments plus graves, lorsque tout s’enchaine avec la magie de la poésie.

Vu au Festival d’Avignon – Juillet 2021