[alert variation=”alert-info”]/ Festival ArtDanthé / Du 25 février au 1er avril se déroule au Théâtre de Vanves le 19ème Festival ArtDantThé, qui met en avant la jeune création chorégraphique et théâtrale. Dans la galerie, le théâtre, la panopée quelques dizaines de mètres plus loin, ou dans des lieux plus insolites de la ville (un parking, la rue…) le festival fait la part belle au théâtre, à la musique, à la danse, à la performance, aux arts plastiques. Tournée vers l’international, c’est l’occasion de découvrir des formes audacieuses. [/alert]
[jumbotron heading=”Atypique ” tagline=”Au cœur des idées, retour sur quelques propositions”]
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] 4 jours durant, l’exposition de Doria Bellanger, Donnez-moi une minute, permet de voir ses portraits vidéos d’une jeune génération : leur identité définie par le mouvement. Des “clichés” mouvants aussi révélateurs qu’esthétiques.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] L’ouverture du Festival avec le Fruits of Labour de Miet Warlop donne le ton à la 19ème édition ! Un théâtre concept assez déjanté, déstructuré (à moins que ce ne soit justement hyper structuré !) qui jongle de la musique à l’installation. Sur scène, les comédiens jouent, crient, déconstruisent et reconstruisent l’espace dans un élan off the limits. Une heure durant, les comédiens partagent avec le public une énergie qui déborde du plateau. De qui avoir envie de revenir très vite pour la suite du Festival.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Les retrouvailles entre Yaser Khaseb et Afshin Ghaffarian pour la pièce Strange but True, jouée en Iran en 2009, est empreinte d’une émotion palpable, et d’une joie totalement communicative. Autour du corps, de la poésie des mouvements qui se complètent, les deux danseurs palpent et rampent sur la création sonore de Farshad Fozouni. Il est résulte une performance hybride, où le tronc et les bras de l’un dialoguent avec les jambes de l’autre. L’humour (peut-être un peu trop présent) accompagne les instants poétiques, qu’on aurait préférés sans doute mieux éclairés.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] 3 interprètes pour un voyage au cœur des mots de David Foster Wallace. En adaptant très librement Brefs entretiens avec des hommes hideux, Perrine Mornay propose une pièce en immersion, un dispositif bi-frontal, où elle cherche à insuffler, par des pastilles de formes diverses (chants, monologue, danse, montage sonore…) les images provoquées par le verbe de l’auteur américain. Beaucoup d’empathie, d’ironie, et par instants, une réussite totale d’un défi très difficile : réussir à faire glisser le talent rhétorique de l’auteur sur scène sans ses mots… Toutefois, la proposition s’éloignant volontairement des écrits de Foster Wallace, et rebaptisée Non que ça veuille rien dire, elle glisse parfois hors du sens, et peut s’avérer inaccessible pour qui ne connaitrait pas le texte. Probablement, il restera pour ces spectateurs-là certaines ambiances à la Foster Wallace, matinées de l’audace de Perinne Mornay, et c’est déjà très bien !
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Deux jours durant s’est installé dans la galerie du Théâtre l’artiste belge Joris Van Oosterwijk, invité par Jan Martens dans le cadre de la Carte Blanche que le Festival lui a donné. Avec Stamping Projet, il propose une performance plastique live et interactive, où les visiteurs/spectateurs sont invités à devenir sujet de leur propre visite : travaillant autour de la trace, de la marque, de l’identité, il redéfinit l’estampe par une approche graphique contemporaine et imprime à la quête contemporaine d’images de soi, aussi glorifiante que superficielle, un aspect symbolique. Quand la trace devient la définition…
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Les 30 minutes de Tide proposées par la danseuse islandaise Bara Sigfusdottir et le trompettiste norvégien Eivind LØnnin laissent un goût d’inachevé, ou d’imperfection frustrante… Sur les sons étranges et délibérément atypiques produits par Eivind Lonnin dans sa trompette (souffles, coups, bruits saccadés ou lancinants…) Bara Sigfusdottir proposent des gestes et des mouvements dont l’essence échappe… Si l’on apprécie le dialogue que mettent en place les artistes entre les sensations et le son, entre les vibrations et le corps, on regrette que la proposition ne soit finalement pas plus engagée dans cette recherche…
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Ode to the attempt n’est pas une nouveauté. Pourtant, il n’est jamais désagréable de voir ou revoir un spectacle de l’iconoclaste Jan Martens. Trois quart d’heure d’ironie, de mélancolie, de sensible et de pragmatique, de sincérité et de dialogues -tant visuels et sensitifs qu’intellectuels ou complices- avec l’artiste belge. En brandissant haut et fort l’étendard des possibles échecs comme moteur de l’essence d’un individu, Jan Martens ouvre l’intimité de son ordinateur, de son histoire, et propose, entre espaces de danses et instants de moquerie, un rejet de la quête de la perfection, qui dépasse largement le cadre de la danse.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Il ne s’agit pas d’un nu mythologique est un souffle vigoureux de presque une heure où Aina Alegre met en scène les postures du corps féminin dans ses représentations les plus extatiques avec une rigueur et une détermination impressionnantes. Explorant les images des femmes auxquelles on prête une maitrise extrême de leur corps (sportives, gymnastes, héroïnes statufiées…), la danseuse espagnole, qui est passée par le CNDC d’Angers, fanatise la représentation du corps, et donne à repenser en même temps la fragilité supposée du corps féminin et la recherche extrémiste d’une maitrise totale de l’outil corporel. Visuellement remarquable, techniquement renversant, la proposition est radicale, et marque autant par les cycles répétitifs que par les postures imagées qu’elle propose.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Thibaud Croisy ne s’embarrasse pas des conventions. Au contraire, il explore sans cesse ce qui est hors des sentiers battus, et ce qui est hors norme… Avec Témoignage d’un homme qui n’avait pas envie d’en castrer un autre, il met la loupe sur une pratique hors de la convention, le SM. En rencontrant C., il entreprend un dialogue où les échanges, enregistrés, constituent la colonne vertébrale du dispositif. Le concept, malin, allie le confort et l’inconfort. En cela, la démarche artistique de Thibaud Croisy parvient à une réussite palpable : allongés sur un sol recouvert d’épaisses moquettes et de tapis, dans une ambiance tamisée sous un grand voile enveloppant au plafond, du thé à disposition au fond de la salle, le spectateur est placé dans une position d’écoute qui dépasse la simple attention polie. Il prend place dans quelque chose de l’ordre de l’intime. A l’aise, il est toutefois confronté, par la diffusion des échanges entre l’artiste et C., au témoignage de pratiques SM, parfois extrêmes (bien que C. s’en préserve) et à son propre imaginaire. Imaginaire nourri par les visions provoquées par les mots de C., les sons des jouets métalliques ou la tentative de pratiquer le SM par l’artiste Thibaud Croisy lui-même… Des mots, des sons, des situations que l’artiste met en succession pour faire naitre des images ou nourrir les fantasmes ou l’inconfort. Au delà du simple témoignage, c’est une expérience sensorielle, une expérience de l’approche des tabous, ou une expérience de la confrontation du confortable intime et de l’intime inconfortable…
Le spectacle dure 2h20. Il est un peu long (mais peut-être est-ce une manière de coller au rythme SM, un temps dilaté, étendu, que C. évoque en comparant le SM aux pratiques plus classiques). Divisé en trois parties inégales, il n’évite pas certains écueils : l’effet catalogue de la découverte des jouets dans la seconde partie est au finale trop étirée. Et la tentative d’expérimentation SM dans la dernière partie, manque d’une certaine sincérité pour autoriser le spectateur à la projection. Il s’agit d’une mise en scène particulièrement artificielle qui ne peut témoigner en rien d’une pratique ou de sensations, l’artiste s’y étant soustrait sans le désir qui animent ceux qui pratiquent les rapports de domination ou de soumission… L’humour accompagne particulièrement cette dernière partie, et les rires gagnent le public, l’étonnant chez certains laissant place à l’amusement. Une certaine cohérence toutefois avec la pratique SM, qui se doit, selon C., de n’être qu’un jeu, une pratique distanciée qui ne doit pas se vivre au sérieux. Les propos de C. -il le précise- ne sont en rien un témoignage exhaustif ou révélateur des pratiques SM, ils n’ont comme seule honnêteté d’être les pratiques d’un homme… Gageons que les assertions de cet homme n’auront pas l’effet pervers de persuader certains spectateurs de leur universalité.
Voila donc une installation qui a le mérite de témoigner de la possibilité d’exister au monde sans embrasser ses bornes ; on regrette qu’elle soit parfois approximative, parfois inexacte… Mais elle est davantage à vivre comme une confrontation des sens et des fantasmes, des intimes et des barrières, une installation où se cognent au bord du confort les zones inconfortables de l’inconnu.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Avec PaperLess, PaperDress, Marianne Baillot allie l’humour et la poésie, l’élégance et le burlesque. Autour du papier et d’une rencontre improbable entre une immense structure de papier et une danseuse, elle tisse un récit fait de tentatives, de séduction, de tensions, de moquerie et de dialogues, de discours tantôt amicaux tantôt amoureux tantôt agressifs. Entre attraction et répulsion, les mouvements entre la danseuse et la structure de papier, noyée sous les vidéos, sont tour à tour drôles, évocateurs, ironiques, symboliques, sensuels et même charnels. “Je vous connais vous” lance la danseuse à la toile de papier, avant d’entreprendre des rondes autour, comme on menace ou on harcèle une victime, où comme on jauge un potentiel ennemi, ou comme on débute, aussi, une séduction. Au fur et à mesure -d’imitations moqueuses en dédains amusés, ou de regards chaloupés en sensualités déployée- Marianne Baillot semble faire découvrir au spectateur, avec qui elle interagit beaucoup, que la toile de papier s’éveille comme un Némésis. De bric et de broc, elle se heurte à la structure comme on cherche à comprendre l’autre ; un autre qui finit par fusionner, ou que finit par pénétrer la danseuse, après un long vortex quasi-charnel où, nue, elle semble plonger dans un tourbillon de sensations. Sous une lumière chaude et une bande son sourde et lourde, ce passage, radicalement sensuel, s’oppose à la radicalité burlesque des instants qui précèdent. Le papier n’est pas qu’une chose, il semble être le reflet ou le but. Le medium probablement, en tout cas. Celui par lequel la multiplicité des identités et des rapports de l’homme passe pour exister : sans le papier, moins d’art, moins de mots doux, moins de journalisme, moins d’amour peut-être…
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] C’est avec une habileté remarquable que Jean-Luc Vincent adapte “Détruire dit-elle” de Marguerite Duras : avec le même sens de la force des mots et de l’image, qui se mêlent pour dépasser le récit, pour le transcender de symbolique. Un récit d’une simplicité qui frôle les évidences, mais au fond duquel la complexité du monde est en ébullition silencieuse. Avec Détruire, réécrit et adapté par Jean-Luc Vincent, que l’on connait pour son parcours prolifique avec Les Chiens de Navarre, on est plongé au cœur d’un récit qui se construit sous nos yeux, Anne-Elodie Sorlin incarnant avec brio la romancière en création. Peu à peu, les ambiances de cet “hôtel” au cœur d’un été froid se dessinent, faisant se croiser des couples, des femmes esseulées, des hommes cherchant fantasmes ou échappatoires, des destinées bourgeoises ou des pensées politiques. Non sans humour, Jean-Luc Vincent construit un espace scénique qui s’habille de lumières et d’ambiances sonores et musicales (Christian Pinaud, Isabelle Fuchs et Christophe Rodomisto) jusqu’à produire, par instants, des parenthèses de poésie, des moments suspendus, des éclats de nécessaires ou de révolutions, où la torpeur d’une société individualiste semble se muer, par le désir, en exigence de de communauté, en transformations des modèles établis.
[icons icon=”zoom-in” color=”#dd37ef” size=”30″] Cette année encore, le Festival Artdanthé propose sa “[Déca]danse“, un programme de découvertes, de mises en avant de lectures, de work in progress, de plusieurs heures au cœur de la journée, à travers différents lieux de la ville ou du théâtre. Une dizaine de lectures, de morceaux de théâtre, de danse, ou de performances entre 17h et 23h… Une habile manière de mettre l’eau à la bouche de futurs spectacles, en même temps qu’elle permet de faire découvrir le processus de création (des œuvres “en création” à des stades plus ou moins avancés, de la simple écriture aux premiers pas de la mise en scène). Intéressante plongée au centre de l’art en développement, une autre manière d’approcher le spectacle vivant, de ne pas en être le simple consommateur ; c’est une certaine vision du rapport entre spectateur et œuvres, comme si le Festival cherchait, et c’est tant mieux, à créer un lien autrement plus complice. Cette journée “Décadanse“, c’est aussi une évidente façon de mettre en avant le rôle actif du théâtre de Vanves dans le processus de création, dans la production, en permettant de montrer son investissement dans l’aide à la création. En accueillant plusieurs artistes en résidence, et en montrant comment, quelques mois avant leur création au Théâtre de Vanves, ils avancent peu à peu, balbutiant, grandissant, déjà guidés par l’horizon de la représentation. L’occasion de découvrir cette année, entre autres, les débuts de Looking for, que l’autrice Clémentine Baert lit elle-même au public, avant de monter plus tard son texte avec 4 comédiens. Ou deux scènes très silencieuses de Winterreise de Tommy Millot, monté à l’automne prochain au Théâtre de Vanves, et qui explique au public qu’il travaille avec ses comédiens depuis 5 jours sur ces scènes, pour lesquelles ils s’attachent à travailler particulièrement les non-dits, les intentions, les sous-textes… Ou encore, la lecture déjà particulièrement émouvante de Sophia Leboutte de La voix Humaine de Cocteau, sous le regard ému et bienveillant de Salvatore Calcagno, le metteur en scène, qui prend soin de montrer sur son ordinateur avant la lecture une vidéo de la comédienne… Et ainsi de suite jusqu’à la nuit… Décadanse, c’est la preuve que le spectacle est vivant, de la naissance de l’idée jusqu’à ses premiers pas.
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[icons icon=”info-circled” color=”#ff2dff” size=”25″] Du 25 février au 1er avril 2017 au Théâtre de Vanves
Rick Panegy