Spectacle / Outwitting the Devil – Akram Khan

Vu au Festival d'Avignon 2019

Six danseurs d’origine différentes et mêlant leurs pratiques pour raconter une histoire millénaire à l’image d’un “puzzle assemblé dans l’obscurité qui porte l’histoire de ce que nous étions et que nous pourrions redevenir“, telle est l’ambition d’Akram Khan prenant d’assaut la cour d’honneur avec Outtwitting the Devil.

(c) C.Raynaud de Lage

Si le discours autour du spectacle laisse un peu songeur quant à la sur-présence des poncifs écologistes et universalistes dont l’odeur ne cesse de flotter dans les rues d’Avignon on admire cependant la qualité de ces danseurs qui tentent de mener le spectacle vers sa dimension rituelle, chose rare dans un festival où le didactisme semble être le mot d’ordre donné à l’art dans cette 73ème édition .
Akram Khan semble également réussir son pari de faire dialoguer les danseurs ensemble, chacun dans leur style, mais tous nets, précis, coupants et appliqués à mener le rituel ; non en exécutant une chorégraphie commune qui nierait leurs différences, mais précisément en accusant ces dernières. Se dessine alors sous nos yeux une pensée dialogique du cérémonial dans laquelle l’harmonie consiste à faire s’entrechoquer les différentes corporéités qui parfois comme par miracle se lient d’un mouvement commun presque malgré elles. Malgré quelques moment narratifs parfois appuyés, le chorégraphe réussit à réactiver le mythe en nous faisant cheminer de l’histoire à l’ineffable, à l’image de cette parole dans les haut-parleurs accompagnant la musique qui énonce, se brouille puis s’éteint.

(c) C.Raynaud de Lage

Vu le 18 juillet 2019 : Accident d’Andrew Pan (Rupture tendon d’Achille, spectacle interrompu)
On reste un peu sur notre fin en ayant assisté à la représentation où le danseur Andrew Pan se blesse aux trois-
quarts du spectacle interrompu 10 minute plus tard par le Akram Khan lui-même qui, venant sur le plateau, interpelle le public : “Gilgamesh est humain” . On regretterait presque cette phrase de sortie tant la chorégraphie et ses accidents se
suffisaient à eux même et laissaient entrevoir à l’image du sol jonché de monolithes l’obscure clarté qu’on
quêtait tant dans cette cours d’honneur où quelques jours plus tôt Pascal Rambert, dans son Architecture tout éclatant de
blanc, nous faisait un cours de politique où le lyrisme tentait de cacher l’explicatif. “Tromper le diable”,
c’était une manière de détourner la pensée du discours pour l’enfermer dans les boites noires autour
desquelles les corps se meuvent. À quoi bon dès lors mettre une étiquette sur les couvercles ?

Adrien Madinier