Le retour. Le revoilà : Faudrait pas croire qu’on enterre facilement le plus grand festival de spectacle vivant du monde comme ça. Après l’annulation de l’édition 2020, le spectateur était en disette : l’envie de danse, l’appétit de théâtre, le besoin de toute forme de représentation, la nécessité de rencontre avec les artistes n’attendaient qu’une chose: qu’on ré-ouvre ENFIN les lieux culturels. Avignon arrive à point nommé, nous tendant les bras avec son soleil, son pac-à-l’eau, son mistral et son festival. Le tout débarquant tout pile à la fin d’un calendrier progressif de “déconfinement” qui permettra, a priori, de savourer le Festival comme avant.
Cette année, 75ème édition : du lourd, des valeurs sûres, et une flopée de créations, donnant au Festival un goût de renaissance. Vous vouliez des spectacles : en voila 46, dont 39 créations et quelques 1ères françaises. 20 jours où vous n’allez plus savoir quoi choisir aller voir ! Prêt de 300 représentations et un Festival qui s’engage en produisant ou coproduisant plus de 60% des spectacles.
Voila qui laisse la porte ouverte à l’aventure des bonnes (ou mauvaises) découvertes. Aux manettes, toujours, Olivier Py, qui régale cette année d’un casting aux têtes d’affiche très solides : trop prudent ? ou contraire très rassurant ? Qu’importe, sautons dans le bain : Maguy Marin, Tiago Rrodrigues, Phia Ménard, Christiane Jatahy, Angelica Liddel, Brett Bailey, Dada Masilo, Eva Doumbia, FC Bergman, Dimitris Papaioannou, Emma Dante, Jan Martens, Anne-Cécile Vandalem, Marie Ndiaye, Nicole Garcia… Et Isabelle Huppert en star dans la cours d’honneur (Et Edgar Morin pour un soir aussi!). Qui hésiterait à aller y passer quelques jours ? D’autant que, malgré les valeurs sûres, le Festival propose toujours des curiosités, des découvertes ou artistes moins renomés : N’évitez pas Kornel Mundruczo, découvrons Bashar Murkus, allez voir Dorcy Rugamba, ne ratez pas Aina Alegre dans un des Vive le sujet, découvrons aussi Alice Laloy etc . Allez, on vous voit perdus et dépassés par l’embarras du choix : voila ce qu’on conseille…
Le Festival (…) est une utopie, qui invite d’autres utopies, artistiques, intellectuelles, politiques, sociales (…) Cette utopie (…) est la réunion de ceux qui se souviennent de l’avenir et y croient.
Olivier Py
1 / THEATRE / "Liebestod El olor a sangre no se me quita de los ojos Juan Belmonte - Histoire(s) du théâtre III" / ANGELICA LIDDELL
/ Création / Angelica Liddell est quelque part ? Déplacez-vous et savourez. Aussi dérangeante que fascinante, aussi spirituelle qu’animale, aussi violente que douce-amer, l’auteur espagnole, déjà vue plusieurs fois à Avignon (la dernière “Que Haro…” me laisse encore un souvenir prégnant) fait cette-fois se rencontrer Richard Wagner et la tauromachie, pour une exploration supplémentaire du sublime, du tragique, du sacré. De la mort et de l’amour. Après Milo Rau avec “La Reprise” et Faustin Linyekula, avec “Histoire(s) du theâtre II” en 2018 et 2019, Liddell poursuit le projet initié par le NTGent et IIPM en 2018. La poésie et la harangue de la prêtresse espagnole, sa brutalité et son art de pousser les lignes d’une provocation intelligente est, quasi à coup sûr, à ne pas manquer. Je dis “immanquable”.
Attente : ♥♥♥♥♥ (verdict : à venir)
2 / THEATRE / "The Sheep Song" / FC BERGMAN
/ 1ère en France / Revoilà le collectif d’Anvers, fiévreux, amateur de démesure et de symboles, fouillant dans les esthétiques cinématographiques, muséales ou plastiques, creusant dans l’histoire de l’art leur propre théâtre, atypique, captivant, souvent glissant vers une poésie drôle-amer. Leur “Het Land nod” en 2016 à Avignon était un choc esthético-culturel en forme d’appel de la libération des œuvres. Que nous réservera ce spectacle-ci, tout en allégorie, fait de silence et d’images, autour de l’homme et de son rapport au groupe, à la société, à lui-même. Quel mouton sommes -nous ? Je dis, “j’ai hâte”.
Attente : ♥♥♥♥ (verdict : à venir)
3 / THEATRE / "Le Musée" / BASHAR MURKUS
/ 1ère en France / Si le jeune metteur en scène Bashar Murkus est encore méconnu en France, il monte depuis une dizaine d’années des pièces. Première fois à Avignon, et j’ai hâte de rencontrer son art : basé à Haifa, en Palestine, fondateur et directeur du Théâtre Kashabi, le monde de violence et de mort, de désir de vie et de guerre qui l’entoure résonneront dans son spectacle “Le Musée“, qui fera se rencontrer un policier et un terroriste autour d’enjeux symboliques et spirituels, des questions de morale, d’éthique, de violence et d’équilibre. Je dis “Je suis intrigué”.
Attente : ♥♥♥ (verdict : à venir)
4 / THEATRE / "La Cerisaie" / TIAGO RODRIGUES - ANTON TCHEKOV

/ Création / Quelle impatience de retrouver Tiago Rodrigues, le directeur du Théâtre National de Lisbonne, dont chaque œuvre est un enchantement de mots et de poésie, de grâce derrière la simplicité (souvenir ému de son “Sopro“, de son “Antoine et Cléopâtre” au Festival…) : profondément humain, et sobre, son théâtre croisera le texte de Tchekov, pour une plongée dans le monde en mouvement et son inéluctable changement. Isabelle Huppert en star tchekovienne sous la direction de Rodrigues, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes. Je dis “Banco” !
Attente : ♥♥♥♥♥ (verdict : à venir)
5 / THEATRE / "Kingdom" / ANNE-CECILE VANDALEM
/ Création / C’est la 3ème fois qu’Anne-Cécile Vandalem vient au Festival, après le réussi “Tristesse” et le moins bon “Arctique“. Ce coup-ci, son kingdom, au pitch intriguant (inspiré du film de Clément Cogitore “Braguino“, que vous pourrez voir à l’Utopia le 9 juillet) surfera autour des questions des utopies, des héritages de querelles et des mondes rêvés impossibles et à reconstruire… Quand 2 familles s’échappent du monde pour y échapper et y reconstruire une communauté qui, finalement, se divise à nouveau, que reste-t-il des idéaux et quel reconstruction possible pour les enfants d’un monde qui s’autodétruit ? Vandalem, toujours habile dans sa manière de faire résonner le monde et les enjeux modernes autour de récits et d’anecdotes, restera fidèle à son goût pour le cinéma et l’image. Je dis “Ca sonne pas mal du tout”
Attente : ♥♥ (verdict : à venir)
6 / THEATRE / "Samson" / BRETT BAILEY
/ 1ere en France / On se souvient des polémiques excitées autour de son “Exhibit B“, des procès de la morale et des récupérations idéologiques, des questionnements autour de ce que la représentation autorise. L’art de Brett Bailey, interrogeant les héritages post-coloniaux, les rapports de domination des classes et des communautés, résonnera à nouveau dans son “Samson” avec les mêmes dynamiques : quelle violence et quelle tyrannie les oppressions valident-elles ? Et quelle vengeance et quels compromis laissent-elles naître ? Exaltées, ses mises en scène, colorées et très sonores, laissent espérer un moment à voir ! Je dis “Let’s go”.
Attente : ♥♥♥♥ (verdict : à venir)
7 / INDISCIPLINE / "La Trilogie des Contes" / PHIA MENARD
/ Création / Revoilà Phia Menard, après sa “Saison Sèche“, particulièrement remarquée en 2018 au Festival. Cueilli ès ses premières propositions (l’inoubliable “Vortex“) nous vouons une fidélité sans faille à l’artiste performeuse plasticienne et militante. Sa trilogie (invitée par la Documenta de Kassel à produire des propositions autour des thèmes d’Athène, de l’Europe, du Parlement”) regardera, sans concession, l’héritage chaotique d’un idéal d’unité, des bases communes qui s’effondre aux murs qui nous gardent trop cloisonnées… Toujours dans le spectaculaire. performatif, probablement encore visuellement saisissant, on attend cette trilogie avec le plaisir des récits riches de symboles et d’allégories. Je dis “on s’y rue” !
Attente : ♥♥♥♥ (verdict : à venir)
8 / DANSE / "Sonoma" / MARCOS MORAU
4 petites dates dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes cette année pour la danse. On fait la mou mais on ne manquera pas la proposition de Marcos Morau, et sa danse atypique, méthodique, au rythme et à la gestuelle très marqués, sacadés, aux mouvements étranges et à l’ensemble hors du temps marqués par des tonalités surréallistes : son art hybride, très visuel, et très graphique se fera l’écho d’un monde qui va trop vite et d’une humanité obligée de se confronter à sa propre chute, celle des folkores et des traditions, ici aragonaises. “Sonoma” (“le cri du corps” mix de latin et de grec) n’apportera sans doute pas optimisme et éclat de rire, mais peut-être un malaise délicieux. Je dis “allez-y!”.
Attente : ♥♥♥♥ (verdict : à venir)
9 / DANSE / "Ink" / DIMITRIS PAPAIOANNOU
/1ère en France / En route vers les images, le spectaculaire de l’idéal. A la rencontre de la beauté, clinique ou froide pour certains, parfaite et antique pour d’autres. Le grec Dimitris Papaioannou, déjà à Avignon pour “The Great Tamer” en 2017, et qui devait faire la cour d’honneur pour l’Edition 2020, offrira avec “Ink” offrira galeries d’images et de “trucs” qui évoqueront l’Homme et ses désirs, de ses fuites dans un univers qu’on nous annonce à la rencontre de la sciences-fiction, du cauchemar et du mystique. Je. dis “je veux que mes yeux voient ça”.
Attente : ♥♥♥♥ (verdict : à venir)
10 / THEATRE / "Une femme en pièces" / Kornel Mundruczo - Kata Weber

/1ère en France / Kornel Mundruczo est aussi réalisateur (ses films “White God“, “pieces of a woman” ou “Jupiter’s moon” seront visibles à L’Utopia les 19 et 20 juillet, ne les ratez pas) : très prolixe, il enchaine aussi les pièces de théâtre. Il était déjà au Festival en 2012 pour son adaptation de Coetzee “Disgrace“. Cette-fois ci, sa pièce est écrite par l’auteur Kata Weber, avec qui Mundruczo travaille régulièrement. Elle m’intéresse particulièrement : pour ses mises en scènes tantôt quasi hyperréalistes, tantôt hyper détaillées et son travail souvent lié aux tabous, parfois politiquement incorrect, secouant l’ordre actuel en questionnant le monde moderne : comment ici le deuil d’un enfant dans une famille peut questionner les rapports de valeurs, les conflits générationnels, permettre l’émancipation, se confrronter aux conventions…
Attente : ♥♥♥ (verdict : à venir)
11 / INDISCIPLINE / "Y aller voir de plus prêt"/ MAGUY MARIN
/ Création / L’immense chorégraphe Maguy Marin est une incontournable de la danse contemporaine, du dépassement des étiquettes : ce n’est ni danse, ni théâtre. Son théâtre-danse, à l’image de Bausch, a délivré au monde de purs chefs d’œuvre (son “May B” reste une référence). Très politique, très engagée, l’artiste française fait de son art un vecteur actif et de plus en plus militant. Parfois jusqu’à décevoir, récemment, l’idée écrasant la forme, la forme n’étant que prétexte. Reste une artiste à la sincérité chevillée au corps, définitivement et ardemment attachée aux vaincus, aux perdants, aux isolés ou aux infréquentables. En croisant Thucydide et sa “Guerre du Péloponnèse“, Maguy Marin restera dans les méandres de la violence du monde, des mécanismes de domination. Je dis “allez, c’est Maguy, quoi !
Attente : ♥♥♥ (verdict : à venir)
12 / DANSE / "Le Sacrifice" / DADA MASILO

/ Création / C’est la première fois que la chorégraphe sud-africaine, Dada Masilo, qui se délecte à mêler les genre, les styles, les influences dans ses chorégraphies, est invitée au Festival. Et c’est tant mieux : en se réappropriant “le Sacre du Printemps” de Stravinksy, l’artiste va nous proposer un retour à ses propres racines du botswana, et questionner ainsi la notion du Sacrifice, au cœur de la célèbre oeuvre, à travers le prisme de sa propre expérience. Je dis “J’y vais !”
Attente : ♥♥♥ (verdict : à venir)
13 / DANSE / "Any Attempt Will End in Crushed Bodies and Shattered Bones" / JAN MARTENS

/ Création / Le chorégraphe flamand, déjà à Avignon en 2018, et toujours prompt à inclure le public à ses spectacles, tant dans la mise en forme progressive quand dans l’immersion ou l’interaction, propose une plus grande forme qu’à son accoutumée, une forme où il dépasse largement, cette-fois, la question de l’individu pour se rapporcher de l’acte de résistance, collectif, et donner corps à l’agir. Je dis “ca m’intéresse”.
Attente : ♥♥ (verdict : à venir)
14 / THEATRE / "ENTRE CHIEN ET LOUP" / CHRISTIANE JATAHY (D'après Lars Von Trier)
/ Création / La metteuse en scène – réalisatrice brésilienne avait fait son effet l(an dernier avec “Le Présent qui déborde“. Ce fois, Christianne Jatahy s’inspire de “Dogville” et de Lars Von Trier (ça m’interesse) pour explorer, toujours en naviguant entre cinéma et théâtre, entre récit. et témoignage, etre. documentaire et fiction, les phénomènes de rejet, de communauté, de fascicme .. Je dis “on conseille” (même si je me méfie du côoté un peu trop hableur et militant de son engagement…
Attente : ♥♥ (verdict : à venir)
15 / THEATRE / "Misericordia" et "La Statuette de Sucre" / EMMA DANTE
/Misericordia : 1ère en Frrance ; La statuette de sucre : Création / Déjà à Avignon en 2014 avec “Les soeurs Macaluso” et en 2017 avec le superbe “Bestie di Scena“, l’artiste italienne revient avec deux spectacles : banco, on prend. Elle questionne dans l’un la maternité et la famille atyique, cabossée et dans l’autre, elle honore les traditions et la mémoire des morts ; à chaque fois cependant, on retrouvera la chaleur de l’lItalie, les éclats, les couleurs, l’indiscrétion et la sensibilité exacerbée chers à Emma Dante. Et il faudra en profiter pour aller voir ses film le 21 juillet juillet à l’IUtopia : “Les soeurs Macaluso” et le très beau “Palerme“.
Attente : ♥♥ (verdict : à venir)
What Else ?
A suivre aussi : Eva Doumbia, avec “Autophagies” qui explorera le théâtre aux frontières de l’art culinaire, terreau de tous les mélanges culturels, de tous les mariages, des traditions et des évolutions, témoins des dominations ou des colonisations, repère des traditions et des identités. En somme la cuisine est politique… A tenter. Nathalie Béasse, dont on connait les formes hybrides, peu conventionnelles ou totales, n’étant rien de précis mais étant tout à la fois (poésie, théatre, danse, musique) propose sont “Ceux-qui-vont-contre-le-vent” : A tenter… Et puis, à coup sûr, la beauté des mots de Marie Ndiaye dans le “Royan” de Bélier-Garcia, qu’illuminera probalement Nicole Garcia, évoquant le harcèlement et le suicide…
N’oubliez pas Théo Mercier, plasticien souvent assez génial je dois dire (l’affiche du 75eme Festival est tirée de son travail), qui proposera à la Collection Lambert une exposition “Outremonde” intrigante, doublée d’une performance/spectacle au coeur de l’exposition où sable et architecture nous tendent les bras… Intrigant. Et puis pourquoi ne pas fêter le centenaire d’Edgar Morin, en compagnie Christiane Taubira, Nicolas Truong (sous sa propre houlette) en plein milieu de la Cour d’Honneur du Palais des Papes lee 13 juillet à 22h…. Enfin, je me laisserais bien tenter par “Liberté j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir” de Dorcy Rugamba, qui mêlera les écrits de Felwinee Sarr (présent sur scène), de Frantz Fanon et de René Char, pour un spectacle exhortant, à travers les écrits de ces trois grandes figures, la liberté, la résistance, le destin collectif et l’individu au coeur du monde. Vaste programme
Nonobstant le caractère préscriptif de mes recommandations, que je vous exhorte à suivre, admettons une chose : le théâtre est une aventure, et peut-être les spectacles que je n’ai pas évoqué, à qui j’ai fais l’affront de l’idifférence, seront des pépites et des éblouissements., voir le tube du Festival… Qui sait si Caroline Guiela Nguyen et son “Fraternité Conte Fantastique” ou si la “trilogie des Territoires” de Baptiste Amann ne seront pas géniaux. Vous m’en voudrez de ne pas vous les avoir conseillés, voir de les avoir déconseillés.
Bon Festival 2020 !
Rick Panegy