[Cinéma – Critique] Tous en scène de Garth Jennings

[alert variation=”alert-info”] Tous en scène s’annonçait comme un film d’animation déjanté et décalé, nous offrant tout un tas de références aux musicals… Au final, c’est davantage au télé-crochet pop qu’il se réfère principalement, dans un rythme peu enclin à l’euphorie. Dommage.  [/alert]

Buster Moon aimait aller dans ce théâtre, enfant, où il découvrit un soir la diva Nana Noodleman… C’est décidé, il travaillera dans le spectacle. Le voila adulte propriétaire de cet ancien théâtre, mais, mauvais patron, il n’y produit plus grand chose… La suite n’est qu’une banale aventure animale musicale où l’idée est de réussir à monter un spectacle (en réalité un mini-concert) sur le mode “The Voice“, “Nouvelle Star” et autres télé-crochets, en bravant évidemment quelques épreuves classiques…

Tous en scène aurait pu être déjanté, décalé, audacieux. Il n’est hélas qu’un objet pop supplémentaire, prudent, surfant sur les succès et modes actuels, entre quête de gloire, vibes à tout-va et martelage du rabâché idéaliste “vis-tes-rêves-jusqu’au-bout-et-tu-réussiras”…

On peine à prendre du plaisir à suivre les aventures de ce koala (qui provoque peu d’empathie) et de sa bande de chanteurs amateurs, castés à la va vite, le récit s’embarquant dans de multiples pistes relativement peu exploitées, le rythme s’alourdissant très rapidement… Le scénario est un peu creux, son seul but semblant être d’arriver à la scène finale pour garantir le spectacle, quitte à combler l’avant de quelques banalités convenables ou gags peu percutants. Le remplissage pop finit par déborder comme un catalogue sans esprit : pas moins d’une soixantaine de chansons, d’Elton John à Katy Perry, de Sia aux Gipsy King, de Lady Gaga à Billie Holliday, de Puccini à Cyndi Lauper, de Dolly Parton à Beyoncé, de Nickie Minaj à David Bowie… etc… Le film n’en finit pas, à l’instar des programmes TV dont il singe le fonctionnement, d’assembler les succès des autres pour en faire sa propre glorification…

Délivrant un message trivialement contemporain, estimant que la chance médiatique suffit quasiment à la reconnaissance populaire au-delà du seul talent, Tous En scène passe à côté de l’émotion (une constance chez Illumination Entertainment, qui peine à dépasser le cap du savoir-faire : Les Minions, Comme des bêtes, Le Lorax ou Moi et Moche et méchant pêchant déjà par cette même lacune), et rate un peu le portrait de ses personnages (à part celui de Johnny, il y a trop peu d’intime dans cette multitude de personnages pour pouvoir creuser au-delà de la surface de ces personnages forcément stéréotypés). Garth Jennings aurait pu plonger alors dans le grotesque, le délire parodique, mais même ses personnages atypiques tels que Gunther ou la secrétaire restent trop en décalage avec l’esprit convenable du film pour faire mouche… On avoue un faible pour Nana Noodleman, vieille diva façon Gloria Swanson…

Tous en scène se regardent donc avec le même plaisir distant qu’un karaoké ou qu’un télé-crochet, sans procurer d’émotion, ni de réflexion. Un plaisir facile, un peu fade, immédiat mais vite digéré : à moins d’être encore animé par le rêve contemporain de devenir une star, un chanteur pop, Tous en scène ne résonnera qu’en juke-box ponctuel…

Rick Panegy