Vu au Festival d'Avignon (Juillet 2018)
/EN BREF/ La chorégraphe de noBody, qu’on avait vu en 2002 dans la Cour d’Honneur propose une oeuvre hybride, en forme de diptyque, qui vacille entre les formes chorégraphiques collectives et les espaces théâtralisés. Son Kreatur séduit tant dans sa première partie, malgré ses contours un peu 90’s, que sa seconde partie déçoit plus amplement encore, tant l’artiste allemande se perd dans une saturation d’effet “théâtraux” bien trop simplistes ou grossiers.
Sur une musique électro envoûtante, rythmée ou quasi spiritualisée, les images de cette première séduisante offrent des instants d’une grande beauté, où la tension des corps et des êtres s’exprime au gré des tableaux. On voit les danseurs se bousculer, se heurter, avancer par des géométries excentrées à cour ou à jardin par des saccades ou des secousses violentes. Les corps sont en contrainte, la raideur répond volontairement à la fluidité des corps, qui se maintiennent dans une masse uniforme qu’on assujettirait à une unité soumise à la collectivité. Les corps, encore, sont en équilibre constants, manquant de chavirer, à l’image de cette structure à cour qu’ils tentent de surmonter.
Mais d’un coup, l’ensemble vrille dans un éclatement, d’abord en singeant l’oppression (une kapo s’acharne dix minutes sur les danseurs) puis en mimant les désirs d’union, d’unité, de rassemblement, de valeurs écolo et humanistes : c’est un peu basique et terre à terre, ça ratisse large, et c’est très appuyé, voir grassement tartiné. Les phrases hélées telles que “la vie c’est fantastique, pourquoi tu te la compliques” termine d’achever les derniers lueurs de poésie et de beauté auxquelles on espérait encore. Les dernières scènes, notamment sur du Gainsbourg, entre orgie et incitation à la liberté et à la communion, achève ce sentiment d’amour hésitant envers ce spectacle, qui termine à l’image de cette chanson : “Je t’aime… Moi non plus” ne pouvait finalement pas être plus cohérent…
Rick Panegy