Note : ♥♥♥
par
Stéphane Héliot
” Drame polyglotte sans hystérie”
” Nous vivons dans la pénombre. Mais de temps en temps il y a un mot, une phrase, un paragraphe, un éclair fugace qui illumine le monde. ” The way she dies, pièce de Tiago Rodrigues créée en collaboration avec le TG Stan, est le tableau recomposé en histoire de cet instant où Anna Karénine nous offre une telle révélation. Il dépeint les destins banals et parallèles de deux couples, l’un flamand, l’autre portugais, que la passion de la femme pour un autre finit par emporter. Ces histoires s’entrelacent autour de celle d’Anna, à la fois trame de l’aventure dont les personnages revivent les épisodes, et objet même du récit, comme ouvrage de chevet et objet de fascination des protagonistes.

Ah…. t’es qui toi ? mon amant ou mari ?
C’est à la fois très net et calme, drame sans hystérie sur moquette bleue éclairée par des lampes tamisées, musique en sourdine – jazz ou piano classique-, et vertigineux de mises en abimes et de correspondances : le mari délaissé de chaque couple joue l’amant de l’autre, les langues portugaises, flamandes et françaises s’échangent, les époux se séparent et se regardent se séparer et nous prennent à témoin de leur séparation. On croit saisir à la lumière d’un éclair l’édifice complexe où se mêlent le destin d’Anna Karénine, celui des deux couples, et l’instant où la pièce se joue sous nos yeux. Dans ce jeu de strates les comédiens sont stupéfiants de vérité, tout à la fois pleinement dans leur récit et pleinement avec nous. C’est un essai sur la fidélité à la littérature, sur la traduction d’un texte à travers les langues et les époques, sa vie dans les nôtres.
Vu au Théâtre de la Bastille - Septembre 2019 Dans le cadre du Festival d'Automne
Au théâtre de la Bastille du 11 septembre au 6 octobre 2019, avec le Festival d’automne