Retour sur la sélection du 72ème Festival de Cannes 14 au 25 mai 2019 → Voir le site du Festival
Revoilà le Festival de Cannes, qui, pour sa 72ème édition, se déroulera du 14 au 25 mai… La conférence de presse annonçant les films présentés a eu lieu ce 18 avril… Alors excitation ? En tout cas, pour Alejandro G. Iñárritu, ça s’annonce du boulot : le nouveau président du jury, qui succède à Cate Blanchett, nous annoncera bientôt les membres de son jury.
PAS LA 🙁
Star et glamour, donc, ce sera du côté des marches… Pour le Festival, ce sera selon Pierre Lescure, “Romantique et Politique” ! Politique, toujours… Le Festival de Cannes a souvent été, sous l’impulsion de ses présidences de jury successifs, un lieu où, parfois davantage que la pure qualité cinématographique (mais qu’est-ce d’ailleurs?), le discours politique et l’état du monde prenaient une part essentielle dans la désignation des vainqueurs. On pense à Entre les Murs (2008), Fahrenheit 9/11 (2004), Underground (1995), Yol (1982) etc…
BIM UPDATE !! Quentin Tarantino sera bien de retour sur les lieux de ses premières amours : son One Upon a Time in Hollywood sera bien prêt. Tout le monde jubile !
Et puis on apprend aussi la venue d’Abdellatif Kechiche avec la seconde partie de son Mektoub My Love, sur la jeunesse des 90’s. Mektoub My Love intermezzo sera donc présenté à Cannes, là où le réalisateur avait gagné sa palme d’or en 2013 pour La vie d’Adèle.
IL PADRONE : Alain Delon
Bim, le patron du cinéma français, aujourd’hui âgé de 83 ans, sera présent à Cannes pour un hommage qu’il adore tant : le voilà, lui tout seul, récompensé dans son entière staritude, par une palme d’honneur. Le comédien, qui était déjà au Festival en 1963 quand Le Guépard, de Luchino Visconti, remportait la Palme d’or (et quel rôle pour Delon!) sera la 13ème personnalité à recevoir la palme d’honneur. On avait vu Woody Allen, Jeanne Moreau, Clint Eastwood, Jean-Paul Belmondo ou encore Agnès Varda recevoir la prestigieuse reconnaissance.
Delon, qu’on aime à dessiner à l’égo surdimensionné et aux contours imbus ou prétentieux, a pourtant hésité longuement avant d’accepter de recevoir la Palme d’Honneur, déclarant d’après Thierry Frémaux, qu’il ne “devait venir à Cannes que pour célébrer les metteurs en scène avec lesquels il a travaillé.” Preuve d’une certaine modestie finalement.
EN ROUTE POUR LE GRAAL : LA SELECTION OFFICIELLE
Côté compét’, il y a quand même du monde : on jubile déjà à l’idée de la soirée d’ouverture avec le très attendu The Dead don’t die de Jim Jarmusch (mais on confesse une curiosité intriguée face au genre nouveau exploré par le réalisateur de Dead Man, Ghost Dog ou Only lovers left Alive). Du zombie et un casting d’enfer : Bill Muray, Adam Driver, Tilda Swinton, Selena Gomez et Dany Glover. On aime déjà.

Rererererebelotte pour les frères Dardenne, déjà lauréats de deux palmes d’or (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005), du grand prix du jury pour Le Gamin au vélo (2011) ou du prix œcuménique pour Deux jours une nuit (2014) viendront en habitués sur la Croisette. On a envie de dire que ça suffit là, à moins que Le jeune Ahmed ne rafle encore une fois la mise… Itou pour Ken Loach, multi-récompensé à Cannes : Prix du jury en 1990 (Secret Défense), en 1993 (Raining Stones), en 2012 (La part des anges) et Palme d’or en 2006 (Le vent se lève) et en 2016 (Moi, Daniel Blake). Sorry we missed you sera une nouvelle occasion d’admirer le style naturalisto-humaniste du réalisateur, où on poursuit dans l’exploration de la classe ouvrière, les classes dominées, et sera aussi l’occasion d’aller lorgner (on voit le regard critique pointer son nez) du côté de l’uberisation.

Pour le reste, ça brille aussi côté Bong Joon Ho, qui revient après Okja en 2017, avec Gisaengchung / Parasite. Le génial réalisateur sud-coréen, déjà présent en 2006 avec The Host, revient avec une histoire de voisins où l’arnaque tourne autrement que prévue. C’est un gros client ! Arnaud Desplechin, dans un autre style, viendra à Cannes pour tenter de recevoir aussi sur la croisette un prix à hauteur de son talent, déjà récompensé aux César, ou par le prix Louis Delluc. Le réalisateur français, classé art et essai, fait la part belle au fait d’hiver : Roschdy Zem, Léa Seydoux ou Sara Forestier sont du casting dans Roubaix, une lumière.
Côté français encore, on guettera les pas de Céline Sciamma dans la compétition officielle. La réalisatrice du superbe Tomboy en 2011 offrira sans doute à Adèle Haenel un beau rôle, en nous plongeant au cœur d’une relation entre une jeune peintre et son modèle, au 18è siècle. Et puis les premiers pas aussi de Justine Triet, la réalisatrice du virevolté La Bataille de Solférino, avec Sibyl, qui compte Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel et Niels Schneider au casting dans un histoire qui sent bon les méandres psy et les perversions narcissico-névrotiques. On découvrira aussi Mati Diop et son Atlantique.
Et puis comment ne pas noter la présence en compétition de Terence Malick, le génie des génies du cinéma, admiré, adulé, mystérieux, qui en quelques rares films et autant de chefs d’œuvres (la balade sauvage en 1973, les moissons du ciel en 1978, la ligne rouge en 1998), s’était directement placé au rang de monument, avant d’enchainer les navets ou le grotesque, en glissant du spirituel à la guimauve prosélyte (A la merveille, Knight of Cups ou Song to song…) Le déclin avait commencé avec le pas très subtil The Tree of life, pourtant récompensé à Cannes par la Palme d’or. Son nouveau film, A hidden Life, correspondra-t-il à la résurrection de l’Élu du cinéma ? Prions.

Et puis ce sera l’occasion de découvrir pour le grand public le cinéma de Marco Bellocchio, fort d’une longue carrière d’environ 25 films depuis les années 60 et qui n’a encore jamais été distingué à Cannes. Côté international et découverte de réalisateurs plus confidentiels, on verra ce que donne le Little Joe de l’autrichienne Jessica Hausner, ou le nouveau film du réalisateur chinois Diao Yi’nan, The wild Goose Lake, dont le Black Coal en 2014 avait remporté l’ours d’or au Festival de Berlin !
A noter également, la présence, rare, d’un réalisateur palestinien : Elia Suleiman. Il était déjà présent au Festival de Cannes en 2002 lorsqu’il y remporta le prix du Jury pour Intervention Divine. Il y était également présent en 2001 à la quinzaine des réalisateurs et en 2009 encore, en sélection officielle, avec Le temps qu’il reste. It must be heaven explorera, sous forme de conte, la question de la terre et du chez soi, de l’appartenance mémorielle à un lieu. Corneliu Porumboiu, le réalisateur roumain déjà primé à Cannes en 2006 avec une Camera d’or pour 12h08 à l’est de Bucarest, en 2009 pour Policier Adjectif avec un prix du jury de la sélection un certain regard, ou en 2015 encore dans la sélection un certain regard avec Le Trésor. La gomera sera pour lui l’occasion de rafler enfin un prix en sélection officielle !
Les films en sélection officielle :
THE DEAD DON’T DIE / Jim Jarmusch (OUVERTURE)
DOLOR Y GLORIA (Douleur et Gloire / Pain and Glory) by Pedro Almodóvar
IL TRADITORE (Le Traître / The Traitor) by Marco Bellocchio
NAN FANG CHE ZHAN DE JU HUI (The Wild Goose Lake) by Diao Yinan
GISAENGCHUNG (Parasite) by Bong Joon Ho
LE JEUNE AHMED (Young Ahmed) by Jean-Pierre Dardenne & Luc Dardenne
ROUBAIX, UNE LUMIÈRE (Oh Mercy!) by Arnaud Desplechin
ATLANTIQUE by Mati Diop
MATTHIAS ET MAXIME (Matthias and Maxime) by Xavier Dolan
LITTLE JOE by Jessica Hausner
SORRY WE MISSED YOU by Ken Loach
LES MISÉRABLES by Ladj Ly
A HIDDEN LIFE (Une vie cachée) by Terrence Malick
BACURAU by Kleber Mendonça Filho & Juliano Dornelles
LA GOMERA (The Whistlers) by Corneliu Porumboiu
FRANKIE by Ira Sachs
PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU by Céline Sciamma
IT MUST BE HEAVEN by Elia Suleiman
SIBYL by Justine Triet
Hors Compétition, Pour le plaisir
LES PLUS BELLES ANNÉES D’UNE VIE (The Best Years of a Life) by Claude Lelouch
ROCKETMAN by Dexter Fletcher
TOO OLD TO DIE YOUNG – NORTH OF HOLLYWOOD, WEST OF HELL by Nicolas Winding Refn
DIEGO MARADONA by Asif Kapadia
LA BELLE ÉPOQUE by Nicolas Bedos
Bon, hors compétition, pour le plaisir.. on verra un nouveau Biopic, cette fois ci, c’est la vie d’Elton John qu’on verra dans le Rocketman de Dexter Fletcher…. Sans référence à son homosexualité ? La récente polémique suscite la curiosité et l’inquiétude… Espérons simplement que ce biopic là sera mieux que l’immonde (et pourtant multirécompensé) Bohemian Rhapsody de Bryan Singer. Evidemment, on se délecte de voir le nouveau Winding Refn mais on se demande ce que fout là le film de Nicolas Bedos… Peut-être pour refaire le coup de Le grand Bain de Gilles Lellouche, présenté Hors competition l’an dernier et dont on connait le succès qui suivit… Le Festival espère peut-être à nouveau une réconciliation du même type avec le grand public… Mouai…
Et puis bien sûr, la curiosité ultime un peu méta tout de même, alors qu’on a en fait de gros doute sur la qualité du film, ce sera le dernier Claude Lelouch, Les plus belles années d’une vie, qui revient en mode requiem sur Un homme et une Femme (Palme d’or en 1966), version deuxième suite (après le film de 1986), où Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant se retrouveront plus de 50 ans après…
Un Certain Regard
Pour info, voici la sélection “un certain regard”, où on retrouve Bruno Dumont et Christophe Honoré dans la sélection.. Assez curieux quand on sait que la catégorie Un Certain Regard récompense en général des réalisateurs encore peu connus… En tout état de cause, il faut proposer un cinéma plus audacieux pour sortir vainqueur. C’est l’occasion de voir ceux qui feront bouger les lignes…
VIDA INVISIVEL (Invisible Life) by Karim Aïnouz
DYLDA (Beanpole) by Kantemir Balagov
LES HIRONDELLES DE KABOUL (The Swallows of Kabul) by Zabou Breitman & Eléa Gobé Mévellec
LA FEMME DE MON FRÈRE (A Brother’s Love) by Monia Chokri
THE CLIMB by Michael Covino
JEANNE (Joan of Arc) by Bruno Dumont
O QUE ARDE (Viendra le feu / A sun that never sets) by Olivier Laxe
CHAMBRE 212 by Christophe Honoré
PORT AUTHORITY by Danielle Lessovitz
PAPICHA by Mounia Meddour
ADAM by Maryam Touzani
ZHUO REN MI MI by Midi Z
LIBERTÉ by Albert Serra
BULL by Annie Silverstein
LIU YU TIAN (Summer of Changsha) by Zu Feng
EVGE by Nariman Aliev
Affiche du Festival… Agnès <3
De Flore Maquin (d’après La pointe Courte 1994 / Agnès Varda et ses enfants)
Et puis, il n’en était pas question autrement…. Il fallait qu’Agnès Varda, que le Festival a récompensé de la Palme d’Honneur, soit présente, quelque part, d’une manière ou d’une autre… Sa présence sur l’affiche officielle du Festival, qui la représente quand elle est capte encore au TNP et qu’elle débute sa carrière de réalisatrice avec son premier film La pointe courte, tourné sur ses terres chéries de Sète, est un bel hommage !
Rick Panegy