[Danse – Critique] La Fresque d’Angelin Preljocaj

[alert variation=”alert-info”] En transposant sur scène le conte traditionnel chinois La peinture sur le mur, Angelin Preljocaj offre une succession de tableaux inégaux, enfermés dans un système chorégraphique désormais classique chez l’artiste français. Langage prudemment hyper-accessible, structure hyper-narrative, La Fresque est aussi lisse qu’esthétique.[/alert]

La Fresque se regarde avec cet étrange mélange de lassitude et de satisfaction. Le plaisir esthétique, toujours, est une porte d’entrée chez Préljocaj, comme si chaque spectacle devait être avant tout visuel. Mais il se heurte souvent, c’est encore le cas ici, au système que semble avoir défini le chorégraphe, faisant de ses spectacles des langages hyper codifiés, calculés pour être calibrés sous le joug du plus petit dénominateur commun, histoire d’être absolument accessibles, et, en définitive, absolument pop. Le plaisir est donc instantané, immédiat, parce le geste est maitrisé, la chorégraphie millimétrée, les références appuyées et les instants romantiques ou dynamiques savamment alternés. Mais au fond, les spectacles du chorégraphe, et c’est lourdement le cas de cette fresque, finissent par ne pas dire grand chose, au point de devenir purement illustratifs, comme si Préljocaj était parfois un artisan, commerçant son propre style, formaté et vendeur… A cette dimension forcément réductrice de l’illustration s’ajoute, dans La Fresque, une entrée hyper narrative absolument épaisse et pesante, lorsqu’elle n’est pas infantilisante. Aucune sensation, aucune impression dans La Fresque, seulement celles d’une passivité d’un enfant qui écoute une histoire, sans qu’on lui permette de construire ses propres images, puisque tout lui est montré avec redondance…

Ainsi, pendant 1h30, on assiste à une succession d’un quinzaine de tableaux dans lesquels on assiste au parcours poétique de ce voyageur qui, accompagné de son ami, découvre une peinture sur le mûr d’une auberge, et dans laquelle il va finir par s’introduire, fasciné par l’une des femmes y figurant, à la chevelure noire aussi symbolique de liberté que de sensualité. Ensemble ils vivront une idylle heureuse jusqu’à ce que le voyageur soit “chassé” du tableau par des guerriers, retrouvant hagard son ami dans l’auberge…  On fait plus subtile.

La musique de de Nicolas Godin, du groupe Air, alterne entre électro et échos tribaux, surlignant souvent, elle-aussi, les ressorts narratifs, comme cet instant où, lorsque les jeunes filles du tableau semblent appeler le jeune homme, des chants de sirènes paraissent se dégager des notes de la composition… Les costumes ne sont pas moins stéréotypés au point d’en devenir des données narratives. On frôle le ridicule lors de la scène des guerriers : costumes moulant tribaux, gestuelles saccadées de demi-dieu frappant le sol et prenant des positions clichées, musique stylisée à la Holst, scénographie d’apparition des guerriers comme inspirée d’une entrée des Daft Punk aux Grammys. On soupçonnerait Tarsem Singh d’être le conseiller artistique… La subtilité n’ayant pas droit d’existence, la grâce n’a jamais sa place… Si l’on ajoute un tableau quasi-circassien presque “Cirque du Soleil”, un autre débordant de référence à Pina Bausch, on s’étonne à appréhender le spectacle comme un catalogue Rick  uniquement  un peu démonstratif, mais pourtant incroyablement prudent. Si dans les pas de deux, Préljocaj parvient à frôler un peu la sensibilité sans pourtant parvenir à renouveler ou répéter ce qu’il avait déjà fait en mieux (Le parc par exemple), dans le scènes de groupe, il ne parvient que très rarement à définir une autre grammaire que celle qui serait purement explosive visuellement : des chorégraphies symétriques, décalées, alternées ou collectivement identiques.

La Fresque se laisse regarder comme on écoute un conte avant de s’endormir… Il y a des contes qu’on aime réentendre le soir suivant, et celui d’après. Et il y a en a d’autres qu’on oublie vite, ou qui sont même parvenus à nous endormir avant la fin…

Rick Panegy

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