[Danse – Critique] C’est une légende / Raphaël Cottin

[alert variation=”alert-info”] EN BREF : Raphael Cottin et sa compagnie La Poétique des Signes proposent avec C’est une légende un parcours guidé à travers l’histoire de son art, la danse (contemporaine). Spectacle jeune public, C’est une légende ravit par ses images, belles et saisissantes, par ses contours très pédagogiques, son accessibilité et son humour. Toutefois, on regrettera un peu le chapitrage très balisé et l’aspect très professoral, qui coup court à tout liberté de l’imaginaire.   [/alert]

Il faut savoir ce que l’on veut, et ce que l’on voit. C’est une légende est un spectacle jeune public. Il retrace en 5 tableaux accompagnés d’une voix OFF (Sophie Lenoir) l’histoire de la danse contemporaine (la danse académique avec Louis XIV, Isadora Duncan, Rudolph Laban, Alwin Nikolais, Pina Bausch). En cela, il embrasse totalement sa mission, et ne manque pas sa cible. Il est absolument absurde d’entendre, à la sortie, des adultes regretter ne rien avoir appris et dire qu’ils connaissent déjà tout ce qui y est “raconté”.

Ici Cottin s’adresse à un jeune public, ou disons un public encore vert (même s’il est adulte). Il ne se détourne pas de cette fonction pédagogique et l’assume pleinement. Aussi, l’aspect de la pièce ressemblera à un cour, un documentaire ou une émission jeunesse, avec voix-off féminine enjouée et sautillante, qui accompagne, dates et faits divers à la clef, les danseurs qui illustrent ses propos.

Les images créés par Raphael Cottin et les deux danseurs Antoine Arbeit et Nicolas Diguet sont belles, utilisant l’espace scénique avec détermination et équilibre : le jeune public est séduit, captivé, tant les univers “imagés” des cinq périodes abordées par le chorégraphe sont explicites et réellement dessinées, de couleurs et de lumières, d’accessoires et d’ambiances. Les mouvements et les danses sont “à la manière de“, et révèlent explicitement le langage et les codes des chorégraphes révélés.

Les adultes “sachants”, pour peu qu’ils laissent de côté leur érudition (ce sera toujours mieux d’avoir vu un vrai spectacle de Bausch, évidemment), passeront l’heure à se délecter de la grâce et de l’efficacité des danseurs, à savourer les références.

Sans prétention, le spectacle de Raphaël Cottin enfile le costume du déclencheur de passions, l’habit de spectacle au public cible, dont on souhaite un impact autant sur la culture du spectateur que sur les vocations qu’il peut susciter en lui. Le défaut de C’est une légende est ce qui fait sa qualité, et sa nature. En effet, l’aspect très pédagogique, voir scolaire, très explicatif, borné de balises ici et là, pour guider le jeune spectateur dans ces repères artistiques et historiques ; tout cela, bien qu’extrêmement maîtrisé, laisse peu de place à l’émotion, au vagabondage de l’esprit et des yeux, à l’abandon de l’intellect… Et l’exercice “à la manière de” toujours un peu délicat, ou trompeur, notamment avec un jeune public (à l’heure des archives facilement accessibles), qui pourrait facilement admettre qu’il voit là du Bausch ou du Duncan…

En somme, C’est une légende est un spectacle à montrer, à diffuser, malgré les scories inhérentes à sa forme et son objectif. Il reste probablement un spectacle encore naissant, amené probablement à quelques ajustements ; et Raphael Cottin, excellent danseur chez Thomas Lebrun, est un chorégraphe qui poursuit, depuis plus d’une dizaine d’années, avec sa compagnie, un travail tout aussi artistique que pédagogique, développant et s’investissant dans les actions menées auprès du jeune public, ou des scolaires.

Rick Panegy

[icons icon=”info-circled” color=”#dd3333″ size=”16″] Crédits Photos / ©  Christophe Raynaud de Lage