Spectacle / Dévotion, dernière offrande aux Dieux morts – Clément Bondu

Vu au théâtre de la Cité internationale en juin 2019
Au Festival d'Avignon 2019

Déconstruire nos références. La belle affaire. Gloser entre artistes de l’état du monde, de l’Europe… Tellement attendu.  Entre pensants “lucides”, un brin ironiques et sarcastiques, légèrement rieurs, même de soi, comme pour étaler son auto-dérision derrière une auto-suffisance. Évoquer la “profondeur des pensées” en surfant sur l’insignifiant, tenter de donner de l’épaisseur en parlant de choses convenues mais en leur imprégnant une poésie décrétée et en les gonflant d’un ronronnant et pédant regard d’artiste qui élève la pensée. Le tout autour d’un ton qu’on impose décalé, avec une mise en scène, une dramaturgie et un esprit qu’on désire volontairement “à côté”, comme pour s’extraire de son propre milieu. Voilà ce qui sort de ce spectacle, décevant et hérissant. Cela sonne faux, ou sonne trop plein pour ne pas être un peu vide… Dévotion dernière offrande aux dieux morts s’avère aussi vain que volontaire.

Le désir de théâtre de Clément Bondu déborde d’une voracité dont on loue l’énergie mais dont on déplore hélas l’immaturité, comme si l’élan de ce théâtre en bourgeonnement empêchait l’ensemble d’être intelligible, et le propos Avec hauteur plutôt qu’avec distance. Elle pense le passé et observe le demain, avec un regard autant critique que désabusé. Suppose-t-elle. Dans ce Dévotion, les références de notre monde y sont moquées, détruites pour en rebâtir d’autres, c’était l’objectif… Les guerres, les nationalismes résurgents, l’héritage en forme d’illusions fanées instaurent un climat de révolte douce, par laquelle il faudrait abandonner les codes communs du passé, ceux qui ont mené le monde vers le chaos certain. Une révolte intellectuelle et spirituelle donc, qui passe par le rejet, et la table rase peut-être. Et sur scène, Dévotion s’affiche si pléthorique, si débordant, tant gonflé d’une mise en scène et d’une scénographie où la générosité est maître mot, entraînant les couleurs et les effets autour d’un bordel symboliquement doux-amer que la saturation fait rapidement irruption. Les comédiens (élèves de l’ESAD) sont tous impliqués, loin d’être mauvais, mais peinent (euphémisme) à trouver l’équilibre dans cette évocation d’un avenir à redéfinir en se riant des fantômes des générations qui les avaient installées.

On observe, un brin gênés, cette génération en proie aux déséquilibres d’un monde qui lui est transmis, mais au terme de cette fantaisie idéaliste désespérée, au contact de sa véhémence douce mais creuse, et de sa folie ravageuse qu’elle présentent idéale, entre désabusée et fondatrice d’un nouvel espoir, on se surprend finalement à se trouver bien dans le monde qu’elle singe et alerte, alors qu’on partageait avec elle, pourtant, le constat d’un inéluctable chaos.

Rick Panegy

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