[alert variation=”alert-info”] EN BREF : Yann-Joël Collin dirige les jeunes comédiens du Conservatoire national supérieur d’art dramatique dans une version peu ambitieuse et très scolaire. L’agacement fait place à l’ennui. [/alert]
Ils se donnent à fond, les jeunes comédiens du Conservatoire supérieur d’art dramatique… A fond. Ils jettent toute leur énergie dans ce Roberto Zucco que leur offre Yann-Joël Collin : pour se faire remarquer sûrement (le Festival d’Avignon est une formidable vitrine) ou, peut-être bien, pour tenter de sauver ce spectacle qui rame et traîne comme un vieux train à vapeur, de gare en gare, laborieusement… Ils en font même des tonnes, jusqu’à s’en casser les cordes vocales, et jusqu’à surjouer, par un bon nombre d’entre eux. Un comble. On gesticule, on court partout (oui, on est jeune…), on hurle et on rend son visage le plus expressif possible -faut bien, la caméra offre des gros plans- il ne manquait plus que la goutte au nez pour se croire dans The Blair Witch Project.
Côté dramaturgie ou mise en scène, c’est l’attitude inverse qu’embrasse Yann-Joël Collin : assez paresseux. Il plaque le chapitrage du texte sur un écran vidéo et enchaîne donc les saynètes comme autant d’étapes sans relief, histoire de faire avancer le récit… L’impression d’un manque de regard ou d’un défaut de vision sur cette histoire de violence banalisée envahit le spectateur. Même l’idée, intéressante au départ si le metteur en scène l’avait étayée davantage, de faire incarner Roberto Zucco par une multitude de comédiens -pour signifier la violence potentielle de chaque homme- s’effondre dans une apparente excuse de distribution équitable… Collin y accole aussi un peu de “Prologue. Sur le théâtre” de Didier Georges Gabily, histoire de mettre un peu en relief l’expérience et le drame… Soit. On se tire les cheveux…
Le texte de Bernard-Marie Koltès, qu’on ne peut pas qualifier de faiblard, tant la société en prend pour son grade, est ici réduit à un prétexte à jeu, à démonstration. Mais l’enjeu sociétal et humain, de la violence, de l’Homme et de la société, de la responsabilité, de la liberté, est ici diluée… Le plateau est quasi nu, les espaces qui entourent la salle (jardin, gradins, coulisses…) sont investis par la caméra et les comédiens. C’est habilement fait, bien qu’assez convenu (et chez Collin et dans les mises en scène actuelles) : de modernité donc, qu’on aurait aimé voir incarnée par cette nouvelle génération de comédiens, il n’y a finalement pas grand chose, si ce n’est le texte lui-même qu’il faut réussir à dénicher derrière les excès cumulatifs de cette proposition.
Ennui, puis agacement. Le spectateur qui regarde au départ avec bienveillance ces comédiens jouer avec les tripes de la jeunesse finit par regarder sa montre et par se dire qu’il trouvera plus audacieux chez des plus vieux… C’est tout de même dommage.
Rick Panegy
[icons icon=”info-circled” color=”#dd3333″ size=”16″] Crédits Photos / © Christophe Raynaud de Lage